Dimanche
14 septembre 2014 : Villafranca del Bierzo – Vega de Valarce : 16
km
La pluie était annoncée pour hier soir : elle
a quelques heures de retard mais aujourd’hui, c’est certain, nous n’y
échapperons pas. Un restaurateur canarien, occupé à préparer sa terrasse, nous
explique qu’il ne faut pas quitter la ville sans traverser la calle del Agua,
une rue qui a conservé son caractère moyenâgeux et qui mérite vraiment le
détour. Nous suivons son conseil et effectivement, par le décor, nous nous
retrouvons transportés près d’un millénaire en arrière. Nous découvrons une rue relativement étroite,
bordée d’anciennes demeures seigneuriales, décorées de blasons et écussons aux
armes des anciennes familles du bourg. Plusieurs
films y furent tournés. À l’extrémité de la rue, nous rejoignons le Camino. Un
grand pont permet de traverser le Rio Burbia et offre une jolie vue sur la
ville que domine le château, un édifice massif, flanqué de quatre tours, autrefois
résidence des marquis de Villafranca et devenu aujourd’hui propriété privée.
À mesure que l’on avance, nous nous
enfonçons dans une vallée qui se rétrécit et qui n’est plus occupée que par le Rio,
la route, et l’autoroute. Une impression de canyon d’où nous ne sortirons qu’au
terme de l’étape.
Nous marchons en bordure de la route
nationale, parfois le chemin fait un petit écart pour desservir les villages de
la vallée. Le premier est Péreje, une petite cité médiévale. C’est là que nous
rencontrons les premières gouttes de pluie et qu’il nous faut, en toute hâte, enfiler nos capes.
Puis nous traversons Trabadelo. À la
sortie, des pèlerines nous dépassent. Il faut dire qu’elles sont à vélo. L’une d’entre
elles a sa roue arrière complètement à plat. Elle ne s’en est pas encore
aperçue. Nous lui faisons signe pour lui signaler le problème. Toutes
s’arrêtent un peu plus loin et nous les rejoignons. Elles sont canadiennes, la
cinquantaine et ont loué des bicyclettes pour faire le chemin de Leon à
Santiago. Avec Gaby, sous une pluie battante, nous regardons en quoi nous
pouvons leur être utiles, car en pareille circonstance, ne pas s’arrêter pour
proposer ses services ne serait pas digne d’un pèlerin. Il y a 5 pèlerines et 5
vélos, jusque-là tout va bien, le problème c’est que celui dont la roue est
crevée n’est pas comme les autres. Il est équipé d’une assistance motorisée, ce
qui veut dire qu’au niveau de la roue arrière, où en temps normal ce n’est déjà
pas simple, car il y a la chaîne et le dérailleur, là, il y a tout un mécanisme
d’entraînement qui vient sérieusement compliquer la situation. Nous avons
soudain l’impression d’avoir gagné le gros lot.
Il y a bien une notice de réparation, mais rédigée en anglais, incompréhensible
pour nous et sous la pluie qui redouble d’intensité nous n’avons vraiment pas
envie de faire de la lecture. Rapidement,
au vu des réglages de câbles qu’il y a sur cette roue, nous comprenons qu’il
faut s’abstenir de démonter. Nous tentons une dernière action avec Gaby : rechercher
dans le pneu si une coupure ou une épine apparaît : rien. Nous leur
proposons de prendre contact avec leur loueur pour qu’il leur donne la marche à
suivre. Nous sommes un dimanche, ce qui n’est pas de nature à simplifier le
problème, néanmoins elles réussissent à
le joindre et il leur propose de leur apporter un autre vélo. Buen Camino señoras !
Le soleil est de retour lorsque nous
parvenons à La Portela de Valcarce. Midi est largement dépassé, l’heure est
venue de se restaurer : ce sera un bocadillo et une cerveza pris au
bar du village. Devant l’établissement se dresse une statue de l’apôtre nous
indiquant la direction de Santiago. Alors que je dévorais mon bocadillo bien
garni en jambon de Serrano, je reçois un message de Jean-Patrick, un pèlerin
que nous avions connu l’année dernière en amont de Léon, et avec lequel nous
avions marché plusieurs jours. Cette année il fait « La Plata », ce
camino qui part de Séville pour rejoindre Santiago après un périple de
1000 kilomètres. Il vient d’atteindre Salamanque
et souhaite vraiment nous revoir, au point de nous proposer de prendre le train
de Salamanque à Santiago pour être présent lorsque nous y parviendrons. Il
propose de passer une soirée avec nous avant de regagner le chemin là où il l’a
quitté. C’est vraiment généreux de sa part quand on sait que ce détour ne
représente pas moins de 14 heures de train et induit certainement deux jours de
retard sur son planning. C’est à travers ce genre de proposition que l’on
mesure l’intensité des liens qui peuvent se créer entre pèlerins. Je regarde
avec Marie-Jeanne et Gaby ce qui est possible pour nous compte tenu de notre
plan de marche et de nos réservations. Malheureusement, il y a un hic, car
c’est le jour, où pour fêter notre arrivée, nous avons réservé une nuit au
Parador et sans possibilité de décaler ou d’annuler, au risque de perdre notre
mise. Eh oui, même si le chemin contribue à nous détourner pour un temps de l’argent et des biens matériels, quelques
satanés réflexes restent encore bien vivaces en nous ! Je lui réponds, non
sans éprouver un peu de gêne, en lui expliquant tout cela et en le remerciant
de sa proposition. Muchas gracias Jean-Patrick !
En milieu d’après-midi nous parvenons à
Vega de Valcarce, un bourg situé au pied du O.Cebreiro. Mais celui-là ce sera
pour demain ! Nous nous installons au gîte, la pension Fernandez. Il
s’agit d’une grande demeure, avec des chambres sur différents niveaux, mais
insuffisamment équipée en sanitaires,
alors nous devons faire la queue pour la douche.
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