Samedi
13 septembre 2014 : Ponferrada – Villafranca del Bierzo: 25 km
L’étape du jour se situe en plein cœur du
Bierzo, une région de vignobles qui produit
le Berciano, un vin que peut trouver excellent celui qui n’a pas encore
dégusté les Rioja. Néanmoins, il va falloir s’y habituer, car sur les quelques
étapes à venir, ce sera Bierzo ou Bierzo. Le soleil domine au départ mais la
pluie est annoncée pour l’après-midi. Nous prions Saint-Jacques pour
qu’elle attende que nous soyons parvenus à Villafranca.
À la sortie de la ville nous contournons
Columbrianos, connu pour avoir accueilli dans un autre temps les légions
romaines et découvrons un peu plus loin la petite église du quartier de Teso,
accolée à son cimetière. À l’entrée, une scène assez nouvelle pour nous, mais
que nous retrouverons désormais fréquemment sur le reste de notre périple. Il
s’agit de bénévoles qui ont installé devant la porte une petite table avec les
instruments nécessaires pour tamponner notre crédential. Ils n’ont pas oublié,
bien évidemment, la petite boîte marquée « donativo », pour recevoir
nos dons. Par habitude, avant d’apposer le timbre, le sello, nous nous assurons
que le motif est de qualité sur le plan artistique, qu’il est original, et
surtout, que par sa taille il ne va pas empiéter sur plusieurs cases. En effet,
parvenant au terme du Chemin, il est
important de gérer les emplacements
encore disponibles. Quelques jours auparavant
je m’étais livré à un rapide calcul arrivant à la conclusion que je
pouvais me permettre deux sellos par jour sans risque de débordement. Je vais
donc me tenir à cette règle.
Nous visitons la petite église. Sur son
parvis, un haut poteau soutient un nid de cigogne. À quelques pas de là, un vieil homme est
installé devant sa maison avec tout un outillage lui permettant de sculpter des
objets en bois. Il s’agit essentiellement d’ustensiles de cuisine : cuillères,
fourchettes… Il est tellement absorbé par son travail qu’il n’a même pas
remarqué ce pauvre pèlerin qui s’est arrêté à sa hauteur et qui pendant de
longues minutes a observé ses gestes, admiratif de son savoir-faire et de la
passion qu’il met dans son travail.
La vallée du Bierzo, ce sont les vignes mais
pas seulement, ce sont aussi des cultures et des vergers. Ici nous longeons un
champ de potirons. Les légumes impressionnent par leur taille, certainement le
double de ceux de nos régions, et par leur couleur, davantage sur le vert et le
blanc que sur l’orange. En fait pas du tout
l’image du potiron que l’on utilise chez nous pour Halloween ! Mais finalement, peu importe la forme et la
couleur, l’essentiel est que la soupe soit bonne.
Après Camponaraya et jusqu’à Villafranca del
Bierzo, les vignes occupent l’ensemble des terres cultivables. Nous sommes dans
la zone d’appellation Bierzo qui regroupe 22 communes. On y produit essentiellement
des rouges à partir de cépage Mencia, mais aussi quelques blancs sur le cépage
Palomino. La période des vendanges a débuté depuis quelques jours et nous
constatons une grande activité sur le terrain. Sur la route et en bordure de
notre chemin, ce sont des va-et-vient incessants de tracteurs avec leur
remorque conduisant la récolte à la coopérative voisine.
À la sortie de Cacabelos, nous empruntons
une route qui grimpe fortement en direction de Pieros. Assez à l’aise dans les
montées, je dépasse quelques marcheurs qui sont à la peine, dont deux jeunes
filles coréennes. Comme beaucoup de leurs compatriotes et plus généralement de pèlerins
originaires d’Asie, elles sont couvertes de la tête aux pieds, portent gants,
chapeau, et écharpe, pour dissimuler la moindre parcelle de leur corps. Leur
grande hantise est effectivement le bronzage. Cela paraît
un peu ahurissant quand on pense que chez nous, les filles du même âge paient
pour obtenir le contraire !
À partir de Pieros, deux tracés coexistent
pour rejoindre Villafranca : un chemin « officiel », proche
de la route, et une variante qui présente l’inconvénient d’être plus longue de deux
kilomètres mais le grand avantage de serpenter au milieu des vignes, bien loin
de la circulation. Comme beaucoup de pèlerins, nous choisissons ce tracé et
nous ne le regretterons pas.
La porte du pardon |
Après quelques difficultés, et avec l’aide
de l’office du tourisme, nous parvenons enfin à localiser notre gîte. Il se
trouve un peu à l’écart du centre, en bordure du Rio. Nous le rejoignons et
accomplissons les formalités d’usage d’une fin d’étape : installation
dans les chambres, règlement de notre hébergeuse, sello sur la crédencial et
douche. Avant le repas nous prenons le temps de découvrir la ville, le château
des Marquis, la collégiale Santa Maria de Cluniaco, et les places du centre-ville
où règne une ambiance bien agréable de fin de journée. C’est là que nous
dînons. Je tente une spécialité
culinaire de la région: le « lacon
con grelos », (jambonneau de porc aux feuilles de navets) accompagné
d’un Berciano comme il se doit. Ce soir il y a fête dans la ville mais nous n’attendrons pas que soit tiré le feu d’artifice pour nous coucher.
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