Mercredi
17 septembre 2014 : Triacastela – Sarria : 18.5
km
Deux itinéraires permettent de rallier
Sarria au départ de Triacastela. L’un par le sud, plus long et avec beaucoup de
bitume, agréable pour les cyclistes, mais un peu moins pour les piétons. Il
présente un gros avantage dans ce sens qu’il traverse Samos ce qui permet d’y
découvrir son monastère de réputation mondiale. Bâti au 6e siècle,
il avait alors une fonction d’école pour les évêques. Pillé et endommagé lors
de l’invasion arabe, il fut maintes fois restauré. Aujourd’hui il est devenu un
centre de spiritualité. L’autre par le nord, plus agréable, car traversant les
forêts et les champs. Préférant aujourd’hui les cultures à la Culture, c’est ce
dernier que nous décidons de suivre.
Il a un peu plu cette nuit et au lever du
jour le soleil joue avec la pluie en déployant un magnifique arc-en-ciel
au-dessus du chemin. C’est finalement une fois de plus le soleil qui s’impose
et c’est encore une belle journée qui s’annonce pour nous. Une de plus !
Nous traversons plusieurs petits villages,
San Xil, Montan, puis Furela et encore quelques autres avant d’atteindre
Sarria. Tous présentent le même aspect, beaucoup de demeures délabrées, très
peu d’habitants à l’extérieur, une rue unique et étroite et des chiens qui nous
regardent passer mais sans manifester la
moindre animosité à notre égard. Peut-être ont-ils remarqué que nos bourdons
sont bien affûtés ! Il y a aussi quelques fermes qui ressemblent étrangement à
celles que nous avons connues dans nos villages alors que nous étions enfants
et que la mécanisation n’avait pas encore atteint nos campagnes. Le tas de
fumier trône devant l’étable en bordure de route, un filet de purin s’en écoule
et par endroits traverse la chaussée, des poules entourées de leur progéniture y
picorent pour trouver leur pitance et la
fermière, avec son tablier à carreaux, conduit les quelques vaches à la pâture.
Une image que j’avais gardée de mon enfance, que je croyais à jamais disparue
et que je redécouvre ici, à l’identique, 50 ans plus tard. Aux maisons, toutes bâties
de pierres, sont accolés des potagers de plus ou moins grande surface. Ils
produisent l’essentiel des légumes qui sont consommés ici. Nous y apercevons
les salades, les courges, les tomates, bien d’autres choses sans oublier les
incontournables choux à soupe reconnaissables de loin à leur très grande
taille.
Nous atteignons Sarria en milieu
d’après-midi : une jolie petite ville qui compte 15 000 habitants. De
nombreux pèlerins arpentent la rue principale à la recherche d’une place
dans une albergue. Nous en croisons un qui lui cherche également le meilleur
prix, et ici, tout près de Santiago, ça devient difficile de satisfaire les
deux besoins : à la fois la place et le prix. Il nous explique qu’il
fait le chemin pour collecter des dons pour les enfants de Colombie, qu’il est
très contraint dans son budget et qu’un euro d’économisé ici c’est un euro de
plus pour les enfants. Nous l’écoutons avec la plus grande attention et saisissons
très bien le sens de ses propos. Il nous indique également qu’il dispose d’un site internet
dont il nous donne les coordonnées, nous précisant toutefois que les dons ne
seront plus possibles à partir de la fin de la semaine. Il ajoute qu’à son
retour en France il partira par avion porter
lui-même les fonds en Colombie. Si jusque-là le discours était cohérent
et pouvait même nous inciter à tirer sur le champ un billet du portefeuille,
après cette dernière remarque je ne comprenais plus la démarche. Pourquoi, à
l’ère où l’on peut faire un virement de banque à banque en temps réel, dépenser
le prix d’un tel voyage pour porter les fruits de sa collecte aux enfants de
Colombie, et sous quelle forme ? Trop de choses devenaient discordantes dans ses
propos pour que nous n’ayons pas soudainement les plus grands doutes sur sa
sincérité et l’honnêteté de sa démarche. Passe ton chemin ami !
Après la visite de la ville, nous nous
installons dans un restaurant pour dîner. Menu pérégrino classique avec trois
plats et la bebida de vino tinto, le tout pour 10 euros. J’essaie une nouvelle
fois le « lacon con grelos »
accompagné des incontournables patatas fritas : correct, je dirais
même «perfecto» !
Ce soir nous partageons le gîte avec 3
autres pèlerins. Nous faisons leur connaissance en rentrant du dîner. Ils sont
en train de discuter, assis autour de la table de la cuisine. Ils nous invitent
à nous joindre à eux et nous faisons les
présentations d’usage. Ils sont tous trois Allemands : 2 filles de 25
ans environ et un gars, un peu plus âgé, certainement la quarantaine. L’une
s’appelle Corina, travaille dans un cabinet d’architectes, l’autre Éva, débute
une carrière de professeur d’économie. Le garçon qui se prénomme Dricks, est
médecin en clinique. Nous conversons ensemble tout en dégustant du vino tinto
que Dricks a acheté au bar d’en face. Nous parlons de nos expériences du
chemin, de nos rencontres, d’anecdotes… Une fin de soirée bien agréable qui se
termine par une série de photos que chacun emportera pour se souvenir de cette
rencontre d’un soir.
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