Mardi
16 septembre 2014 : O Cebreiro – Triacastela : 21 km
Après une semaine de marche, nous nous
sentons toujours en forme. Les difficultés du terrain n’ont pas trop éprouvé
les corps. Confiant, j’ai même arrêté de me pommader quotidiennement les pieds. Pourvu que
cela continue et surtout que Marie-Jeanne ne retrouve pas les abominables douleurs
qui lui traversaient les genoux !
Depuis notre passage en Galice, des bornes
nous indiquent tous les 500 mètres la distance restant à parcourir jusqu'à
Santiago. Celle que nous dépassons maintenant affiche 149 kilomètres. Si nous traduisons en journées de marche, cela
veut dire qu’il nous reste grosso modo une semaine avant de pénétrer sur la
place de l’Obradoiro. Nous n’avons jamais été si près ! À l’alto de San
Roque une magnifique statue d’un pèlerin luttant contre le vent semble donner
le sens de la marche. Alors, maintenant, connaissant la distance et le
cap, comment se tromper ?
Nous retrouvons une partie du groupe des Canadiens
rencontré hier, et, tout en marchant, nous poursuivons la discussion entamée en
gravissant le O Cebreiro. Ce sont trois dames, elles sont parties de Burgos
mais envisagent déjà pour l’année prochaine de reprendre le Camino à Saint-Jean-Pied-de-Port,
tant elles sont enchantées par l’aventure qu’elles vivent. Elles nous disent être Acadiennes davantage
que Canadiennes, et habiter le
Nouveau-Brunswick à 5 kilomètres seulement des États-Unis. Brigitte, la
plus prolixe du groupe, était enseignante en psychologie dans des classes
d’enfants inadaptés. Elle n’est âgée que de 53 ans mais bénéficiant des lois
sociales propres à l’Acadie, elle est déjà retraitée, et, comme tout enseignant
retraité, dispensée de l’impôt sur le revenu : ça fait rêver !
Nous les quittons après quelques kilomètres d’échanges mais les retrouverons
souvent sur notre parcours. Elles nous remercient d’avoir piqué cette petite
jasette (expression canadienne), et
pour sceller l’amitié qui vient de naître entre nous, tiennent à nous donner
une très longue poignée de main. Buen Camino !
Passé le col de l’alto del Poyo, point
culminant de l’étape, nous entamons une longue descente vers Triacastela
découvrant çà et là ce qui fait le quotidien des villageois. Ici une vieille dame propose des crêpes aux pèlerins
moyennant quelques euros, là un paysan consolide la clôture d’une pâture, plus
loin, des ouvriers sont occupés à restaurer un horréo, ces greniers à grains
particuliers à la région. Nous en verrons beaucoup en Galice où chaque ferme en
possède un pour mettre ses récoltes à l’abri des rongeurs et de l’humidité.
En milieu d’après-midi, nous atteignons
Triacastela. Une ville tout en longueur dans laquelle une tradition ancienne
voulait que les pèlerins prennent une pierre à la carrière de la ville et la
transportent jusqu’à Castaneda afin qu’elle y soit transformée en chaux,
contribuant ainsi à la construction de
la cathédrale de St Jacques de Compostelle. Depuis plusieurs siècles la
cathédrale est achevée et la tradition s’est perdue. Sans jeu de mots, nous
avons eu chaud !
À 19 heures nous assistons à la messe dans
la petite église de la ville. Hormis les pèlerins il y a assez peu de fidèles pour suivre l’office, une
dizaine tout au plus. Le prêtre invite l’un d’entre nous à tenir le rôle du
sacristain puis demande à des personnes de chaque nationalité de faire les
lectures dans leur langue respective. Les Canadiens sont présents et c’est l’un
d’eux qui est désigné pour lire dans
notre langue. Le prêtre s’exprime en espagnol et ses paroles sont traduites en live par une
jeune fille, certainement une étudiante. Il apparaît vite qu’il y a une grande
complicité entre eux. Le discours semble bien rodé, il est certainement servi à l’identique
chaque soir aux nouveaux pèlerins. Les propos sont empreints de beaucoup
d’humour, ce qui contribue à détendre l’atmosphère et à enlever un peu de
solennité à la cérémonie. Le prêtre délivre ses messages, phrase après phrase, laissant
à l’interprète le temps de la traduction
et s’assurant après chacune des phrases qu’elle a produit sur l’assemblée
les effets escomptés, et tout particulièrement des éclats de rire.
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