Lundi 5 septembre 2011 : Saint Alban-sur-Limagnole - Aumont-Aubrac : 15 km
Ce matin nous repartons en compagnie d’Yveline
et de Véronique. Brian nous a quittés pour poursuivre seul ; il nous avait
prévenu hier au dîner qu’il nous abandonnerait pendant quelques jours : « I will continue alone a few days »
nous avait-il dit sans nous donner davantage d’explications. En y réfléchissant
un peu, je n’ai pas eu beaucoup de peine à comprendre son choix ; si marcher en groupe est
agréable et enrichissant à travers les échanges avec les autres, en
contrepartie ça ne favorise pas la réflexion personnelle. Comme nous-mêmes,
comme beaucoup de ceux que l’on rencontre ici, il est aussi venu pour ça, pour
s’extraire un moment du train-train de sa vie de prof, pour trouver un cadre
propice à la méditation. Chacun peut éprouver le besoin de consacrer un peu de
temps à lui-même pour faire son introspection, analyser en toute objectivité
les problèmes qu’il rencontre, imaginer des solutions adaptées, bâtir des
scénarios par rapport à l’avenir et que
sais-je encore ? Je pense que Brian ce matin était dans cet état d’esprit,
que ce n’était pas notre compagnie qui l’ennuyait mais qu’il voulait tout
simplement s’occuper un peu de lui-même. Nous le retrouverons effectivement quelques
jours plus tard, à Estaing.
Le parcours du jour nous conduit à
Aumont-Aubrac, un bourg d’un millier d’habitants situé entre les monts de la
Margeride et les grands plateaux de l’Aubrac. En chemin nous faisons la connaissance de Bernard, un
Lyonnais très sympathique, qui projette d’aller jusqu’à Cahors et qui se dit
ravi de faire un bout de route avec nous. Nous l’avions déjà croisé aux abords
du Sauvage ; il revenait alors sur ses pas, à la recherche de son bandana
qu’il venait de perdre.
Parvenus au
hameau « Les Estrets », nous faisons une halte, le temps de découvrir la
petite église avec son clocher-mur à deux arcades et de prendre un petit encas.
Nous atteignons le bas du village par une descente relativement rapide, traversons le Pont des Estrets qui enjambe la
Truyère et poursuivons le chemin vers Aumont-Aubrac, ville qui marque l’entrée
dans ces merveilleux paysages de l’Aubrac.
Nous avons réservé un hébergement aux « Sentiers
fleuris », un gîte situé en plein centre-ville. Après la lessive et la visite de l’église,
arrive l’heure de la traditionnelle Leff que nous dégustons au bar de la
mairie. Sur la place, une statue représentant une bête féroce nous rappelle que
nous sommes dans le Gévaudan, là où au 18e
siècle un animal mystérieux fit trembler toute la population. En trois ans il
aurait tué une centaine de personnes, essentiellement des femmes et des
enfants. S’agissait-il d’un loup, d’un ours, voire d’un homme déguisé en animal
? Beaucoup d’hypothèses furent évoquées mais aujourd’hui les faits gardent
encore une partie de leur mystère.
Mais la région n’est pas réputée que pour sa
bête, elle tient également sa renommée d’une spécialité culinaire qui lui est
propre : l’aligot, un plat élaboré à partir de purée de pommes de
terre et de tome fraîche. Un troisième ingrédient est essentiel pour le réussir : la
main de l’homme. Ce plat nécessite effectivement de battre et rebattre le
mélange jusqu’à obtenir une pâte
onctueuse et parfaitement homogène. Ici, il est surnommé « ruban de l’amitié »
car dit-on, « à l’instar de la fondue
savoyarde, par le cérémonial qui lui est propre et qui l’accompagne, il
renforce l’amitié entre les convives et débride la cordialité ». On raconte
également dans la région que ce plat serait né d’une rencontre entre trois
évêques du pays. Au moment de passer à table, chacun d’eux sortit les produits
rapportés de son territoire : celui de l’Auvergne apporta le pain,
celui du Rouergue apporta du fromage frais, du beurre et du lait, et celui du
Gévaudan de l’ail et du sel. Ils donnèrent
tout cela au buronnier qui sut leur préparer un plat. Au fil du temps,
le pain fut remplacé par des pommes de terre. De là serait né l’aligot.
Ce soir au repas nous n’y échapperons pas car
ici c’est aligot ou aligot. Lorsque nous nous installons dans la salle à manger
du gîte, le chef, debout devant ses fourneaux, est en train d’achever ce fameux
plat. Devant une trentaine de pèlerins qui admirent son savoir-faire, il tourne
et retourne la pâte en l’élevant très haut au-dessus du caquelon et en la
laissant retomber doucement. Tout un art !
La cuisson terminée, il sert très copieusement chacun d’entre nous. Je pense qu’aujourd’hui
nous avons gagné davantage de calories que nous en avons perdues sur le Chemin !
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