Mardi 6 septembre 2011 : Aumont-Aubrac – Nasbinals : 27
km
Au petit déjeuner, j’échange quelques mots
avec une Bretonne partie du Puy-en-Velay et qui, en comptant bien, nous a déjà
"mis" un jour depuis le départ. À l’entendre détailler son planning,
elle prévoit d’en gagner encore un d’ici Figeac. Tant pis, chacun sa vitesse ! Et
puis nous éprouvons tellement de plaisir sur ce Chemin que nous ne sommes pas
pressés d’en finir.
Ce
matin les filles nous ont quittés pour regagner la capitale, le métro et le
boulot, et nous poursuivons seuls avec
Bernard sur cette étape de 27 kilomètres qui nous conduit à Nasbinals. Nous
marchons maintenant depuis 6 jours et je me rends compte qu’aujourd’hui nous
allons franchir la barre des 100 kilomètres. Certes il en reste encore beaucoup
avant Santiago, mais de réaliser que nous avons déjà parcouru une telle
distance et sans ressentir la moindre souffrance physique, nous met en
confiance pour la suite. Si jusqu’ici nous pouvions douter de notre capacité à enchaîner
de telles étapes, maintenant nous voilà totalement rassurés et comme dit la
chanson : « c’est bon pour le moral ».
Cette
nuit pour la première fois il a gelé. Il est vrai que la ville est située à un peu plus de 1000 mètres
d’altitude et par conséquent, il n’est pas surprenant que l’hiver y soit plus
précoce que dans nos plaines. Les prés
et les pâtures sont recouverts de gelée blanche que le soleil ne va pas tarder
à dissiper, car aujourd’hui encore nous devrions profiter du beau temps. Nous
croisons l’autoroute A75 reliant Clermont-Ferrand à la Méditerranée. Heureusement
les architectes n’ont pas oublié les pèlerins et ont aménagé un tunnel
pour la franchir sans risque.
Au lieu-dit « Les Quatre Chemins »,
nous pénétrons en Aubrac. J’avais lu dans des récits l’enchantement qu’avaient éprouvé
les pèlerins en traversant cette région. Un ami auquel j’avais fait part de mon
projet de faire le Chemin en partant de Saint-Jean-Pied-de-Port, m’avait
répondu : « si tu ne traverses
pas l’Aubrac, tu n’auras pas fait le Chemin », m’expliquant et me
décrivant, sans être avare de superlatifs, les paysages que je n’aurais pas le
plaisir de découvrir. C’est sur cette recommandation, qu’avec les amis, nous
avions décidé de prendre le départ au Puy-en-Velay. Merci Jean-Pierre pour tes
bons conseils !
Et
maintenant, nous y sommes, nous allons
pouvoir nous faire notre propre idée de ces paysages si particuliers. La
transition est extrêmement rapide ; les arbres qui bordaient le chemin se
sont soudainement raréfiés, repoussant
bien au loin la ligne d’horizon. Ici, pas de culture, pas de champ, mais
des pâtures à perte de vue avec des murets en guise de clôture. Le chemin
serpente entre ces empilements de pierres ; parfois, dans les points
les plus bas, un filet d’eau le traverse, obligeant le marcheur à prendre
quelques pas d’élan pour le franchir. Si le décor est particulier, les animaux
le sont également. Les vaches qui paissent sur ces estives présentent des
caractéristiques qui les différencient complètement de celles que nous rencontrons
dans nos régions : une robe beige unie avec une touche de noir à
l’extrémité de la queue et des pattes, des cornes longues et relevées, des yeux
cerclés de noir et de blanc qui font penser qu’elles sont passées au maquillage
avant la pâture. Leur lait est transformé sur place, dans ces burons que l’on
aperçoit çà et là, pour produire la Fourme d’Aubrac.
Nous
croisons deux villageois qui nous expliquent
que ces murs de pierres, qui font la beauté et l’originalité de ce plateau, classés au patrimoine de
l’Unesco, ont été érigés par leur grand-père au début du 20e siècle. À
vrai dire je suis assez étonné car finalement ce n’est pas si vieux. Ils
paraissent tellement ancrés dans le paysage que je pensais qu’ils en avaient
toujours fait partie, qu’ils étaient nés avec les plaines et les collines,
qu’ils n’étaient pas l’œuvre de l’homme mais celle de la nature. Je ne peux alors
m’empêcher de penser « c’était
comment avant ? », en tentant d’imaginer ces espaces sans ces empilements de
pierres qui bordent notre sentier.
Nous
atteignons Nasbinals vers 18 heures après avoir un peu galéré pour trouver le gîte
du « Centre équestre » dans lequel nous avons réservé notre hébergement. Au dîner, nous faisons la connaissance de trois pèlerins qui pérégrinent ensemble depuis
quelques étapes : Claude qui vient de Besançon et projette d’aller
jusqu’à Roncevaux, Patrick qui envisage de rejoindre Compostelle puis Fatima et
Marie Rose, une Belge, qui souffre abominablement de ses pieds et qui, à cet
instant, n’a plus aucune certitude de pouvoir poursuivre. Le Chemin a aussi ses
revers !
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