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jeudi 23 août 2018

Aumont-Aubrac – Nasbinals




Mardi 6 septembre 2011 :  Aumont-Aubrac – Nasbinals :  27 km


    Au petit déjeuner, j’échange quelques mots avec une Bretonne partie du Puy-en-Velay et  qui, en comptant bien, nous a déjà "mis" un jour depuis le départ. À l’entendre détailler son planning, elle prévoit d’en gagner encore un d’ici Figeac. Tant pis, chacun sa vitesse ! Et puis nous éprouvons tellement de plaisir sur ce Chemin que nous ne sommes pas pressés d’en finir.
    Ce matin les filles nous ont quittés pour regagner la capitale, le métro et le boulot, et nous poursuivons seuls avec  Bernard sur cette étape de 27 kilomètres qui nous conduit à Nasbinals. Nous marchons maintenant depuis 6 jours et je me rends compte qu’aujourd’hui nous allons franchir la barre des 100 kilomètres. Certes il en reste encore beaucoup avant Santiago, mais de réaliser que nous avons déjà parcouru une telle distance et sans ressentir la moindre souffrance physique, nous met en confiance pour la suite. Si jusqu’ici nous pouvions douter de notre capacité à enchaîner de telles étapes, maintenant nous voilà totalement rassurés et comme dit la chanson : « c’est bon pour le moral ».
Cette nuit pour la première fois il a gelé. Il est vrai que la ville est  située à un peu plus de 1000 mètres d’altitude et par conséquent, il n’est pas surprenant que l’hiver y soit plus précoce que dans nos plaines.  Les prés et les pâtures sont recouverts de gelée blanche que le soleil ne va pas tarder à dissiper, car aujourd’hui encore nous devrions profiter du beau temps. Nous croisons l’autoroute A75 reliant  Clermont-Ferrand à la Méditerranée. Heureusement les architectes n’ont pas oublié les pèlerins et ont aménagé  un tunnel  pour la  franchir sans risque.
 Au lieu-dit « Les Quatre Chemins », nous pénétrons en Aubrac. J’avais lu dans des récits l’enchantement qu’avaient éprouvé les pèlerins en traversant cette région. Un ami auquel j’avais fait part de mon projet de faire le Chemin en partant de Saint-Jean-Pied-de-Port, m’avait répondu : « si tu ne traverses pas l’Aubrac, tu n’auras pas fait le Chemin », m’expliquant et me décrivant, sans être avare de superlatifs, les paysages que je n’aurais pas le plaisir de découvrir. C’est sur cette recommandation, qu’avec les amis, nous avions décidé de prendre le départ au Puy-en-Velay. Merci Jean-Pierre pour tes bons conseils !


Et  maintenant, nous y sommes, nous allons pouvoir nous faire notre propre idée de ces paysages si particuliers. La transition est extrêmement rapide ; les arbres qui bordaient le chemin se sont soudainement raréfiés, repoussant  bien au loin la ligne d’horizon. Ici, pas de culture, pas de champ, mais des pâtures à perte de vue avec des murets en guise de clôture. Le chemin serpente entre ces empilements de pierres ; parfois, dans les points les plus bas, un filet d’eau le traverse, obligeant le marcheur à prendre quelques pas d’élan pour le franchir. Si le décor est particulier, les animaux le sont également. Les vaches qui paissent  sur ces estives présentent des caractéristiques qui les différencient complètement de celles que nous rencontrons dans nos régions : une robe beige unie avec une touche de noir à l’extrémité de la queue et des pattes, des cornes longues et relevées, des yeux cerclés de noir et de blanc qui font penser qu’elles sont passées au maquillage avant la pâture. Leur lait est transformé sur place, dans ces burons que l’on aperçoit çà et là, pour produire la Fourme d’Aubrac.
Nous croisons deux villageois qui nous expliquent  que ces murs de pierres, qui font la beauté et l’originalité de  ce plateau, classés au patrimoine de l’Unesco, ont été érigés par leur grand-père au début du 20e  siècle. À  vrai dire je suis assez étonné car finalement ce n’est pas si vieux. Ils paraissent tellement ancrés dans le paysage que je pensais qu’ils en avaient toujours fait partie, qu’ils étaient nés avec les plaines et les collines, qu’ils n’étaient pas l’œuvre de l’homme mais celle de la nature. Je ne peux alors m’empêcher de penser « c’était comment avant ? », en tentant  d’imaginer ces espaces sans ces empilements de pierres qui bordent notre sentier.
Nous atteignons Nasbinals vers 18 heures après avoir un peu galéré pour trouver le gîte du « Centre équestre » dans lequel nous avons réservé notre hébergement.  Au dîner, nous faisons la connaissance de trois  pèlerins qui pérégrinent ensemble depuis quelques étapes : Claude qui vient de Besançon et projette d’aller jusqu’à Roncevaux, Patrick qui envisage de rejoindre Compostelle puis Fatima et Marie Rose, une Belge, qui souffre abominablement de ses pieds et qui, à cet instant, n’a plus aucune certitude de pouvoir poursuivre. Le Chemin a aussi ses revers !





















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