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dimanche 26 août 2018

Rabanal del Camino – El Acebo




Jeudi 11 septembre 2014 :  Rabanal del Camino – El Acebo :  16.5 km


   En prenant mon petit déjeuner, je parcours les différents messages de remerciements affichés au-dessus du bar et censés avoir été écrits par les pèlerins de passage. L’un d’eux fixe mon attention et me fait sourire. Je me demande si ce n’est pas le patron qui l’aurait lui-même rédigé. Il est écrit  « Si tu es venu sur le chemin pour oublier, paie avant de commencer ».
   Au quatrième jour de marche, tout va pour le mieux, la météo est on ne peut meilleure alors que l’hôtelier de Léon nous avait prédit « la tourmenta » (le déluge), et côté santé, ce n’est pas mal du tout : les courbatures des premières étapes sont de l’histoire ancienne et les pieds sont en parfait état, ne laissant apparaître, ni ampoules, ni rougeurs. Les amis ont également bien supporté, semble-t-il, ces premiers jours de marche. Nous croisons les doigts pour que ça dure.
   Nous entreprenons aujourd’hui  une étape mythique du chemin, bien connue de tous les pèlerins, celle qui conduit à la Cruz de Ferro. Mythique par le rituel attaché à ce site, mais également par la particularité du parcours fait d’une forte montée pour atteindre une altitude de 1500 mètres et suivi d’une descente des plus abruptes, nous faisant perdre près de 1000 mètres de dénivelé en quelques kilomètres.
   Nous traversons le village de Foncebadon, un autre village fantôme, où les maisons font peine à voir. Destinée étonnante de ce petit bourg quand on pense qu’au 10e siècle le roi Ramiro II y a convoqué un concile. Son objet était alors de définir les règles les plus importantes de la discipline ecclésiastique ainsi que le comportement des croyants par rapport aux jacquets qui devenaient de plus en plus nombreux sur le Camino. Un beau thème de réflexion ! Je serais curieux d’en lire le compte rendu !
Foncebadon
   Nous poursuivons notre ascension sur les
flancs des monts du Léon, laissant peu à peu s’éloigner derrière nous les plateaux de  la Meseta : cette Meseta que nous avons eu tant de plaisir à parcourir. Après deux heures de marche dans des sentiers au bord desquels abonde la bruyère, et qui sentent bon l’odeur du pin, nous atteignons la Cruz de Ferro. À travers les récits que j’avais lus, et comme tout un chacun, je m’étais forgé une certaine idée de ce site. L’image que j’avais construite dans mon imagination présentait beaucoup de ressemblances, notamment par l’emplacement et les dimensions, avec le cairn rencontré peu avant Burgos. Ce que nous découvrons ici est d’une autre nature et surtout  d’une autre dimension. Sur un immense monticule de pierres se dresse un mât en bois de près de 10 mètres de hauteur, supportant à son sommet une croix de fer. À la base, sur la partie accessible, les pèlerins ont accroché toutes sortes d’objets : rubans, médailles, chapelets, photos et autres amulettes. Les fissures ont été comblées par des   cailloux de petite taille ; dans d’autres interstices du bois, les plus petits, ce sont des messages  qui ont été glissés, à la manière du Mur des Lamentations de Jérusalem.
   Le rite veut que chaque pèlerin apporte une pierre de son village d’origine et la dépose au pied du calvaire. Par sa grosseur, elle est censée représenter la masse de ses péchés pour lesquels il est venu, ici, demander le pardon. En grimpant sur le monticule pour y déposer la nôtre, nous foulons donc des cailloux de toutes  tailles et venus des quatre coins du monde. Certains sont annotés de messages, de demandes de grâces, et là encore toutes les langues sont représentées. Je n’échappe pas à cette règle, qui se perpétue depuis des siècles, et je sors de mon sac la pierre ramassée dans mon jardin que je lance au pied de la croix. Voilà, c’est fait ! Marie-Jeanne et Gaby font de même. Nous voilà désormais absous de tous nos écarts !
   Alors que nous redescendons du cairn, un pèlerin arrive en VTT, s’arrête, sort d’une sacoche une cornemuse et se met à jouer de son instrument tout en gravissant d’un pas alerte le monticule de pierres. Tout simplement beau, instant un peu magique durant lequel la musique vient apporter une dimension supplémentaire à la scène.  Après des applaudissements fournis, il nous explique qu’il est breton et que son instrument est en réalité une veuze, un mélange de cornemuse et de biniou. Il nous dit en jouer chaque fois que l’occasion le mérite, et qu’il espère bien le faire en pénétrant dans quelques jours sur la place de l’Obradoiro à Santiago. Bravo et merci pour ce moment pas tout à fait ordinaire !
   Nous prenons un déjeuner sur le pouce, auprès d’une caravane qui vend des bocadillos. Nous retrouvons deux jeunes filles de Bayonne, coiffées de larges chapeaux de paille et vêtues de rouge et de blanc, les couleurs traditionnelles de la féria de leur  ville ; une tradition vestimentaire qui avait été introduite dans les années 60 par un certain Luis Mariano, enfant de la région, alors qu’il venait ouvrir les fêtes. Nous les avions  rencontrées à la Cruz ; elles nous avaient alors demandé de les photographier avec leur téléphone. L’une d’elles nous dit faire le chemin pour prendre le temps de réfléchir quant à l’avenir avec son copain. Puis, poursuivant la conversation,  très blagueuse, elle me dit ne pas m’avoir vu déposer mon menhir au pied de la croix. Bien joué ! Je lui réponds alors que je l’ai posé à côté du sien. Et voilà comment le compteur de mes péchés que je venais tout juste de réinitialiser se met déjà à tourner d’un cran. Heureusement, Santiago m’offrira une seconde chance ! Entre pèlerins nous discutons de tout, mais rarement des raisons réelles qui nous ont fait prendre le chemin, car finalement les connaît-on nous-mêmes ?  Y en a-t-il toujours ? Pour ma part, je pense que l’on n’a pas besoin de motivation profonde pour décider de faire le Camino, mais par contre  lorsque l’on est dessus, on trouve mille raisons d’y être et autant d’y revenir.  Le repas pris, nous entamons  la descente vers El Acebo. La pente est abrupte et le sol recouvert d’une roche très glissante qui présente, assez bizarrement, l’aspect de planches de bois. Nous pouvons à présent admirer devant nous la plaine du Bierzo avec au loin la ville de Ponferrada et sur la droite les hautes cheminées de la centrale thermique de Cubillos del Sil. Nous atteignons notre gîte vers 15 heures. Ce n’est pas un  4 étoiles, pas même un 3. La douche et les toilettes sont sur le palier, les portes ont depuis longtemps perdu leur serrure, mais comme la plupart des gîtes  en Espagne, rien à redire quant à sa propreté.

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