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dimanche 26 août 2018

El Acebo – Ponferrada




Vendredi 12 septembre 2014 :  El Acebo – Ponferrada :  16 km


   La nuit n’a pas été très reposante, car sur le matin il y a eu beaucoup de bruit occasionné par des départs matinaux. Bien que notre hébergement soit situé dans un bar, il n’y a pas de désayuno sur place, le personnel n’arrivant pas avant 9 heures. Nous prenons un café au distributeur situé au rez-de-chaussée ainsi que deux madeleines, ce qui devrait nous permettre de tenir quelques heures. Nous reprenons notre descente vers Molinaseca. Le profil du parcours n’a pas changé, la pente est toujours aussi rapide, il convient de maintenir la vigilance. Marie-Jeanne commence à craindre sérieusement pour ses genoux : pourvu que ça tienne ! Peu après le petit village de Riego de Ambros et son ermitage de San Sebastian, le chemin se transforme en un goulet étroit avec de grandes pierres plates qui affleurent le sol. Heureusement, il n’a pas plu depuis plusieurs jours et les chaussures accrochent bien sur la roche.
   C’est ici que nous sommes rattrapés par un de ces marcheurs qui avalent les kilomètres sans compter ; celui-là   n’est pas tout jeune, certainement la soixantaine passée mais il affiche une corpulence de grand sportif ; vêtu tel un marathonien : short flottant, tee-shirt près du corps et chaussures basses, on est presque étonné qu’il n’ait pas un dossard sur son maillot. Il a dû nous reconnaître comme étant de ses compatriotes alors il s’arrête quelques instants à notre hauteur, juste le temps d’échanger quelques mots. Il nous explique qu’il marche en moyenne 70 kilomètres par jour : une bagatelle ! Je m’interroge alors : « peut-on encore appeler ce genre d’individu un pèlerin ? ». 
Molinaseca
   Le Chemin est à l’image de la vie, on y rencontre parfois des gens surprenants, tel un autre qui me disait être parti il y a deux mois de Paris avec 200 euros en poche, sans autre moyen de paiement  et n’avoir à ce jour rien dépensé, m’expliquant dormir sous sa tente et se nourrir de végétaux cueillis sur les bas-côtés : des  fruits s’il en trouve, mais également certaines plantes particulières qu’il avait appris à connaître dans des livres spécialisés ; il semblait avoir un faible pour les jeunes pousses d’orties : bon appétit pérégrino ! Quelquefois, lorsque l’occasion se présente, il pousse la porte d’une boulangerie pour demander du pain de la veille, celui que le boulanger a déjà mis en sac pour donner à l’éleveur de porcs du village.  Dans un registre un peu différent, mais tout autant décalé, un autre pèlerin   m’avait raconté qu’il ne marchait que la nuit et se reposait le jour ; les gîtes étant fermés la journée, il étalait son matelas de randonnée à même le sol ou  sur un banc public, dormait jusqu’à l’heure du dîner puis se mettait en route. Je ne lui ai pas demandé où il prenait la douche, mais ce qui est sûr c’est qu’il ne sera dérangé ni par les ronflements des autres ni par les punaises de lit !
   En milieu de matinée nous découvrons Molinaseca, un petit bourg aux maisons colorées et aux toits d’ardoises. Après une brève halte à l’église de la Virgen de las Angustias (la Vierge des angoisses), nous poursuivons notre marche pour rejoindre le centre de la ville. Un magnifique pont à 4 arches, dont les reflets dans l’eau sont du plus bel effet, permet de franchir le Rio Meruelo. Nous prenons un petit déjeuner, un vrai, avec croissant, pain et confiture, avant de continuer vers Ponferrada  que nous atteignons vers midi.
   Un Pont médiéval à larges arches romanes nous donne accès à la ville et nous sommes immédiatement frappés par cet imposant château qui domine la cité. Il est l’œuvre  des Templiers qui se sont installés à Ponferrada en 1182.
   Connus pour avoir participé aux croisades en accompagnant et en protégeant les  pèlerins sur le chemin de Jérusalem, les guerriers de l’Ordre du Temple le sont un peu moins pour leur rôle dans la péninsule ibérique où ils ont pourtant été très actifs. Appelés par le roi Léon Ferdinand II pour combattre les Maures lors la Reconquista en repoussant vers le sud l’envahisseur musulman, ils ont également apporté sécurité et assistance aux jacquets de l’époque qui traversaient l’Espagne de la Navarre à la Galice. Beaucoup de vestiges témoignent de leur présence dans ces provinces, de nombreuses commanderies mais également des hôpitaux comme celui de Puente la Reina ; le château de Ponferrada constituait une de leurs implantations majeures. 
    Une légende est d’ailleurs associée à la construction de cet édifice :
   Vers l’an 1200, les templiers, sur ordre du roi du Léon, entreprennent d’agrandir la forteresse qui n’était jusque-là qu’un édifice rudimentaire. Abattant des chênes (encina) pour disposer de bois de construction, ils trouvent dans l’un d’eux une sculpture de la Vierge Marie à l’enfant qui avait été dissimulée autrefois avant l’attaque des envahisseurs maures. Toribio, alors évêque d’Astorga, l’aurait ramené de Terre Sainte au 5ème siècle. La légende raconte que l’Enfant Jésus aurait crié alors que l’on s’apprêtait à abattre le chêne.
   La Virgen de la Encina a été proclamée en 1958 patronne du Bierzo.
   Après un déjeuner pérégrino sur la place Encina, nous continuons la visite de la ville, à commencer par la basilique de Nostra Senora de la Encina avec sa tour baroque à quatre niveaux de colonnades, puis la  tour-porte de l’horloge qui ouvre sur la place de l’hôtel de ville.
   C’est là que nous rencontrons une pèlerine ukrainienne, originaire de Kiev. Partie seule de chez elle il y a plusieurs mois, elle a rejoint  Compostelle  à Bicyclette. Sur le retour elle a fait une mauvaise chute sur des pierres et souffre atrocement d’un genou ce qui l’a contraint à passer quelques jours de repos ici, à Ponferrada. Elle nous confie, avec un air affligé qui traduit toute sa tristesse et sa peine, s’être rendue  à Santiago afin de prier pour son pays dont le conflit actuel avec la Russie fait craindre le pire pour les habitants. Moment émouvant pour nous, car nous sentions bien une vraie sincérité dans ses propos. Cet échange illustre à merveille ce qu’est le Chemin : il nous extrait pour un temps du quotidien, de l’actualité, nous permet de mettre de côté certaines préoccupations,  puis parfois, à l’improviste, nous  replonge brutalement dans la dure réalité de la vie, de la vraie vie, celle que l’on commençait  tout juste à oublier. Une rencontre qui n’aura duré que quelques minutes, mais que d’émotions échangées et partagées en si peu de temps !
La visite achevée, nous gagnons notre hébergement situé un peu à l’extérieur, en bordure de l’autoroute. Deux magnifiques statues ornent les ronds-points : l’une représente des dames travaillant les poivrons, c’est une activité importante de la région, l’autre symbolise une goutte de sang,  un hommage à tous ceux qui par leurs dons, contribuent à sauver des vies.

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