Dimanche 8 septembre 2013: Puente la Reina-Estella : 23 km
Même si le
coucher a été un peu tardif, la nuit nous a permis d’éliminer toute notre
fatigue, ce qui était d’autant plus appréciable que la nuit précédente, dans
les capsules, le sommeil avait été quelque peu perturbé. Départ vers 8 heures
pour une étape qui ne présente pas de difficulté particulière. Nous quittons la
ville en traversant de nouveau le pont
aux 6 arcs. Ce n’est pas le grand beau temps, le ciel est encore chargé
des restes de l’orage d’hier, mais pour la journée et les suivantes, la météo se
dit relativement optimiste.
Sur une grande
partie du parcours, le chemin suit l’autoroute et n’en est jamais très éloigné.
Ce n’est pas très agréable à la vue, bien évidemment, mais surtout par le bruit
permanent du trafic et l’odeur abominable des gaz d’échappement qu’il génère.
Sur le grillage, interdisant l’accès aux voies de circulation, nous
remarquons beaucoup de petites croix
faites de bâtonnets croisés, certaines portant des initiales, d’autres
totalement anonymes. À vrai dire, je ne sais pas quelle signification il
faut donner à cette coutume ; certainement
pour ceux qui ont placé ces croix ici, le
besoin de laisser dans le paysage un témoignage durable de leur passage, tout
comme d’autres choisiront de déposer un caillou sur un cairn à la croisée de
routes.
Après deux heures
de marche, nous atteignons le village médiéval de Cirauqui. Il y a beaucoup de pèlerins
dans les ruelles, pour certains, dont nous faisons partie, c’est l’heure du
ravitaillement, pour d’autres, peut-être ceux qui se lèvent à 5 heures du
matin, c’est déjà l’heure du casse-croûte. Nous visitons ce petit bourg et
notamment l’Église Saint Roman avec son magnifique portail polylobé, et y faisons
tamponner notre crédential.
Nous poursuivons en
direction d’Estella et en chemin retrouvons quelques pèlerins connus : deux
Anglaises que j’avais sollicitées la veille pour nous prendre en photo sur le
pont de Puente la Reina, un couple Canadien rencontré dans le gîte aux capsules
de Pampelune et avec lequel nous avions
sympathisé, d’autres également, mais
très peu de Français, ce qui est étonnant quand on se rappelle le nombre
de nos compatriotes qui pérégrinaient en amont de Roncevaux. Certains ont dû
abandonner, d’autres ont peut-être préféré le Camino Norté, ce chemin qui
serpente en bordure de l’océan, et ceux qui sont restés sur cet itinéraire se
trouvent dilués dans la masse de toutes les autres nationalités. Nous profitons
d’une table libre vers l’église de Lorca pour y prendre notre déjeuner : pain,
salami, jambon sous vide, la ration de survie, rien de plus. J’espère que ce
soir le menu du pérégrino nous fera oublier tout cela !
Dans les champs, beaucoup d’oliviers, pas de
vieux arbres aux troncs noueux comme nous les rencontrons souvent dans les
régions arides du sud, mais des plants bien vigoureux, de deux à cinq ans, qui
sont tout juste en train de produire leurs premiers fruits. J’imagine alors que
certaines cultures ont été complètement abandonnées, car non rentables, et que
les agriculteurs ont dû se reconvertir récemment dans ce type de production,
mieux adaptée à la région et à son climat. Encore une de ces réflexions que
l’on peut se faire tout en marchant pour tenter de comprendre les choses, d’en
expliquer les raisons. Le Chemin nous offre cette faculté : en nous
sortant du quotidien et de sa routine, en nous libérant complètement l’esprit, il
nous permet de réfléchir sur maints et maints sujets et de nous
interroger sur certains constats en tentant de trouver des explications : pourquoi
ceci ? Comment expliquer cela ?
Nous parvenons à
Estella en milieu d’après-midi. D’après
une légende, Estella, surnommée « la Tolède du nord », et qui en
espagnol signifie l’étoile, tient son nom à un miracle observé en 1085 qui
aurait fait découvrir à des bergers, à
travers une pluie d’étoiles, la statue de Notre-Dame du Puy. Les légendes du
Camino sont innombrables, rares sont les villes qui n’ont pas la leur.
Nous pénétrons
dans la cité par la rue principale, la calle Mayor, passons devant le palais
des gouverneurs pour atteindre l’église San Pedro de Rua, qui, comme beaucoup
d’autres est malheureusement fermée. Nous ne pourrons pas admirer son cloître
et les 4 colonnes torses sur lesquelles repose l’arcade centrale. C’est
bien dommage !
Nous rejoignons
notre hébergement à l’auberge de jeunesse, située à la sortie de la ville, ce
qui demain facilitera d’autant le départ. Au dîner, pris en commun dans la
salle du réfectoire, nous faisons la connaissance d’un couple d’Australiens,
Michel et Lisa. Ils affichent une cinquantaine d’années et sont encore en
activité. Lui est professeur d’université en mathématiques, informatique et
recherche opérationnelle (ça me rappelle quelque chose), elle, exerce la
profession de microbiologiste et conduit, en parallèle de son activité, des
actions pour l’église catholique entre le Nigéria et l’Inde. Une discussion
très intéressante et pleine d’humour. Une belle soirée du Camino.
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