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samedi 25 août 2018

Pampelune - Puente la Reina









Samedi 7 septembre 2013 :  Pampelune - Puente la Reina :   19 km


    Ce matin, nous avons droit au même scénario qu’hier : il a plu la nuit mais au lever du soleil tout est rentré dans l’ordre. La sortie de la ville s’avère être aussi laborieuse que l’entrée : plusieurs kilomètres de trottoirs et beaucoup de changements de direction, il faut rester vigilant  et surtout ne pas quitter la coquille des yeux. Ici elle est gravée sur des plaques en bronze fixées à même le sol et présentes à chaque carrefour.
   Il y a énormément de pèlerins ce matin et en principe ça aide à ne pas faire fausse route. Une image qui circulait disait que, dès Roncevaux franchi, on avait le nez sur le sac de celui que l’on suivait. Il s’agissait d’une boutade qui était évidemment exagérée, et bien loin de la vérité.  Ce que nous constatons, maintenant que nous avons acquis un peu d’expérience, c’est qu’au fil de la journée la fréquentation tend à diminuer. Je pense que ce phénomène tient son explication au fait que, hormis les lève-tôt, la plupart des pèlerins partent à la même heure, ou presque, et qu’en fonction de la vitesse différente des uns et des autres, de la  durée et du nombre des pauses, le peloton du départ a tendance à s’étirer, et le chemin à paraître moins chargé.
    Au menu de l’étape du jour, une côte de troisième catégorie, comme on dirait dans le tour de France, qui doit nous conduire  au sommet de l’Alto del Perdon (la montagne du pardon, il est vrai que nous sommes sur le Camino), à 770 mètres d’altitude. Peu après avoir quitté Pampelune, nous apercevons la chaîne de montagnes avec sur sa crête des dizaines d’éoliennes, nous laissant imaginer que là-haut ça doit sérieusement décoiffer. Nous cheminons tranquillement sur cette longue montée, jetant parfois un regard derrière nous pour admirer une dernière fois la chaîne des Pyrénées que nous avons eu tant de plaisir à franchir. Je dépasse un couple de Suisses et, tout en marchant, nous échangeons quelques mots. Ils viennent de Strasbourg, sont passés tout près de chez moi, à Gy, pour rejoindre Cluny, et un peu plus loin Le-Puy-en-Velay. Le monsieur a beaucoup d’humour, mais également le sens des affaires quand il me propose, avec un accent qui trahit ses origines, pour 1000 euros, le CD des Français ayant un compte bancaire en Suisse. Je pense que là nous sommes bien loin du chemin !
    Vers midi nous atteignons le sommet et découvrons le célèbre monument représentant une caravane de douze pèlerins, certains à pied, d’autres à cheval, se dirigeant vers Santiago. Sur un animal apparaît, gravée dans le métal rouillé, l’inscription :
              Donde se cruza
              El camino del viento
              Con el de las estrellas…

              Où se croisent
              Le chemin du vent
              Avec celui des étoiles…

 

      Il y a effectivement du vent, aussi nous ne nous attarderons pas au sommet. Après avoir contemplé le splendide panorama qui s’offre à nos yeux, nous entamons la descente vers la plaine de l’Arga. Le sentier est caillouteux, fait de galets de toutes tailles qui roulent sous nos pieds, nous obligeant à redoubler de vigilance pour éviter la chute. Cela paraît assez étonnant de rencontrer, à une telle altitude, ces pierres entièrement façonnées par l’eau. J’ai effectivement beaucoup de mal à imaginer qu’il y a quelques millions d’années, avant la formation des Pyrénées, c’est la mer qui recouvrait entièrement ces régions. Et pourtant ! Nous retrouverons ce décor, qui choque moins sur les plages qu’aux sommets des collines, lorsque nous traverserons les vignes de la Rioja dans lesquelles le sol est recouvert des mêmes galets.
     Nous dénichons enfin un endroit où déjeuner, et là, surprise : le boucher n’a mis que deux tranches de jambon pour trois. Pourquoi ? Je me dis que, même avec un problème d’accent, entre « dos » et « tres » la confusion est difficile à expliquer. Tant pis !  Il va falloir partager, c’est bien l’esprit du chemin !
   Petit à petit, le temps s’assombrit et l’orage menace. Marie-Jeanne et Gaby qui connaissaient bien les lieux m’avaient conseillé de faire le détour par Eunate pour y visiter la magnifique chapelle Santa Maria et son cloître. Un édifice du 12e siècle, probablement d’origine templière, isolé au milieu des terres cultivables et qui tient son originalité dans la forme octogonale de sa base. Le ciel qui devient de plus en plus noir me fait renoncer à ce crochet de quelques kilomètres. Je poursuis donc avec mes amis, ce qui se révèle être le bon choix, car tout juste parvenus  à Puente de la Reina, la pluie commence à tomber nous obligeant à presser le pas. Nous prendrons néanmoins le temps de photographier la sculpture du pèlerin qui trône à l’entrée de la ville, et dont on peut lire sur le socle l’épitaphe : « Y desde aquí, todos los caminos a Santiago se hacen uno solo » (« Et à partir d'ici, il n'y a plus qu'un seul chemin »). C’est effectivement à cet endroit précis que se rejoignent tous les chemins venant de France, dont celui d’Arles qui franchit les Pyrénées par le col du Somport. Nous pénétrons dans la ville en passant sous la voûte qui relie l’église del Crucifijo à l’ancien hôpital  fondé par les templiers et qui a accueilli les jacquets jusqu’en 1312.
     Ce soir nous logeons à la casa rurale Bedean. Nous y dînerons, mais auparavant nous prenons le temps de visiter la ville, à commencer par le célèbre pont à 6 arcs brisés qui enjambe l’Arga. Nous devons sa construction à la Reine Dano Mayor qui ne supportait plus de voir les pèlerins engloutis par le fleuve en tentant de le traverser, d’où le nom donné à la ville : Puente la Reina, (pont de la reine). En traversant le pont, je repense à cette légende que j’avais lue en préparant notre parcours. Il s’agit de la « légende de la Vierge et du petit oiseau ».

     Jusqu'au siècle dernier, se dressait au milieu du pont la statue de Nuestra Señora del Puy (Notre-Dame du Puy). Or selon la légende, un petit oiseau remontait le fleuve en s'y mouillant les ailes pour laver ensuite le visage de la Vierge.
Devant la foule des habitants, il répétait son manège jusqu'à ce que le visage fût parfaitement propre, puis disparaissait. Tous les habitants voyaient là un signe d'abondance et de prospérité. Hélas ! Victime de l'outrage des ans, la statue, fort abîmée, fut transportée en 1846 à l'église San Pedro, où elle est connue sous le nom de la Vierge du « Chori » ou « Txori » (oiseau en basque).
Depuis cette année-là, jamais le petit oiseau ne reparut.

     Visite ensuite de la cathédrale Santiago qui abrite une statue de Saint-Jacques, puis promenade dans la calle Mayor où nous retrouvons nos Coréens de Zuberi. Après le repas au gîte nous allons prendre un dernier verre dans un  bar typique et entamons la conversation avec nos voisins de table.  Il s’agit de deux Espagnols de 92 ans, des frères jumeaux, semble-t-il, qui sont venus déguster des tapas autour d’une bouteille de Rioja. Pour nous être sympathiques, ils insistent pour la partager avec nous. Une fin de soirée bien agréable avant de rejoindre notre lit.

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