Samedi 7 septembre 2013 : Pampelune - Puente
la Reina : 19 km
Ce matin, nous
avons droit au même scénario qu’hier : il a plu la nuit mais au lever
du soleil tout est rentré dans l’ordre. La sortie de la ville s’avère être
aussi laborieuse que l’entrée : plusieurs kilomètres de trottoirs et
beaucoup de changements de direction, il faut rester vigilant et surtout ne pas quitter la coquille des
yeux. Ici elle est gravée sur des plaques en bronze fixées à même le sol et
présentes à chaque carrefour.
Il y a énormément de
pèlerins ce matin et en principe ça aide à ne pas faire fausse route. Une image
qui circulait disait que, dès Roncevaux franchi, on avait le nez sur le sac de
celui que l’on suivait. Il s’agissait d’une boutade qui était évidemment
exagérée, et bien loin de la vérité. Ce
que nous constatons, maintenant que nous avons acquis un peu d’expérience,
c’est qu’au fil de la journée la fréquentation tend à diminuer. Je pense que ce
phénomène tient son explication au fait que, hormis les lève-tôt, la plupart
des pèlerins partent à la même heure, ou presque, et qu’en fonction de la
vitesse différente des uns et des autres, de la
durée et du nombre des pauses, le peloton du départ a tendance à
s’étirer, et le chemin à paraître moins chargé.
Au menu de l’étape
du jour, une côte de troisième catégorie, comme on dirait dans le tour de
France, qui doit nous conduire au sommet
de l’Alto del Perdon (la montagne du pardon, il est vrai que nous sommes sur le
Camino), à 770 mètres d’altitude. Peu après avoir quitté Pampelune, nous
apercevons la chaîne de montagnes avec sur sa crête des dizaines d’éoliennes,
nous laissant imaginer que là-haut ça doit sérieusement décoiffer. Nous
cheminons tranquillement sur cette longue montée, jetant parfois un regard
derrière nous pour admirer une dernière fois la chaîne des Pyrénées que nous
avons eu tant de plaisir à franchir. Je dépasse un couple de Suisses et, tout
en marchant, nous échangeons quelques mots. Ils viennent de Strasbourg, sont
passés tout près de chez moi, à Gy, pour rejoindre Cluny, et un peu plus loin
Le-Puy-en-Velay. Le monsieur a beaucoup d’humour, mais également le sens des
affaires quand il me propose, avec un accent qui trahit ses origines, pour 1000
euros, le CD des Français ayant un compte bancaire en Suisse. Je pense que là nous
sommes bien loin du chemin !
Vers midi nous
atteignons le sommet et découvrons le célèbre monument représentant une
caravane de douze pèlerins, certains à pied, d’autres à cheval, se dirigeant
vers Santiago. Sur un animal apparaît, gravée dans le métal rouillé,
l’inscription :
Donde se cruza
El camino del viento
Con el de las estrellas…
Où se croisent
Le chemin du vent
Il y a
effectivement du vent, aussi nous ne nous attarderons pas au sommet. Après
avoir contemplé le splendide panorama qui s’offre à nos yeux, nous entamons la
descente vers la plaine de l’Arga. Le sentier est caillouteux, fait de galets
de toutes tailles qui roulent sous nos pieds, nous obligeant à redoubler de
vigilance pour éviter la chute. Cela paraît assez étonnant de rencontrer, à une
telle altitude, ces pierres entièrement façonnées par l’eau. J’ai effectivement
beaucoup de mal à imaginer qu’il y a quelques millions d’années, avant la
formation des Pyrénées, c’est la mer qui recouvrait entièrement ces régions. Et
pourtant ! Nous retrouverons ce décor, qui choque moins sur les plages
qu’aux sommets des collines, lorsque nous traverserons les vignes de la Rioja
dans lesquelles le sol est recouvert des mêmes galets.
Nous dénichons
enfin un endroit où déjeuner, et là, surprise : le boucher n’a mis
que deux tranches de jambon pour trois. Pourquoi ? Je me dis que, même
avec un problème d’accent, entre « dos »
et « tres » la confusion
est difficile à expliquer. Tant pis ! Il va falloir partager, c’est bien l’esprit du
chemin !
Petit à petit, le
temps s’assombrit et l’orage menace. Marie-Jeanne et Gaby qui connaissaient
bien les lieux m’avaient conseillé de faire le détour par Eunate pour y visiter
la magnifique chapelle Santa Maria et son cloître. Un édifice du 12e siècle,
probablement d’origine templière, isolé au milieu des terres cultivables et qui
tient son originalité dans la forme octogonale de sa base. Le ciel qui
devient de plus en plus noir me fait renoncer à ce crochet de quelques
kilomètres. Je poursuis donc avec mes amis, ce qui se révèle être le bon choix,
car tout juste parvenus à Puente de la
Reina, la pluie commence à tomber nous obligeant à presser le pas. Nous
prendrons néanmoins le temps de photographier la sculpture du pèlerin qui trône
à l’entrée de la ville, et dont on peut lire sur le socle l’épitaphe : « Y desde aquí, todos los caminos
a Santiago se hacen uno solo » (« Et à partir d'ici, il n'y a plus qu'un seul
chemin »). C’est effectivement à cet endroit précis que se
rejoignent tous les chemins venant de France, dont celui d’Arles qui franchit
les Pyrénées par le col du Somport. Nous pénétrons dans la ville en passant
sous la voûte qui relie l’église del Crucifijo à l’ancien hôpital fondé par les templiers et qui a accueilli
les jacquets jusqu’en 1312.
Ce soir nous
logeons à la casa rurale Bedean. Nous y dînerons, mais auparavant nous prenons
le temps de visiter la ville, à commencer par le célèbre pont à 6 arcs brisés
qui enjambe l’Arga. Nous devons sa construction à la Reine Dano Mayor qui ne
supportait plus de voir les pèlerins engloutis par le fleuve en tentant de le
traverser, d’où le nom donné à la ville : Puente la Reina, (pont de
la reine). En traversant le pont, je repense à cette légende que j’avais lue en
préparant notre parcours. Il s’agit de la « légende de la Vierge et du
petit oiseau ».
Jusqu'au siècle dernier, se dressait au milieu
du pont la statue de Nuestra Señora del Puy (Notre-Dame du Puy). Or selon la
légende, un petit oiseau remontait le fleuve en s'y mouillant les ailes pour
laver ensuite le visage de la Vierge.
Devant la foule des habitants, il répétait son manège
jusqu'à ce que le visage fût parfaitement propre, puis disparaissait. Tous les
habitants voyaient là un signe d'abondance et de prospérité. Hélas !
Victime de l'outrage des ans, la statue, fort abîmée, fut transportée en 1846 à
l'église San Pedro, où elle est connue sous le nom de la Vierge du
« Chori » ou « Txori » (oiseau en basque).
Depuis cette année-là, jamais le petit oiseau ne reparut.
Depuis cette année-là, jamais le petit oiseau ne reparut.
Visite ensuite de la cathédrale Santiago qui
abrite une statue de Saint-Jacques, puis promenade dans la calle Mayor où nous
retrouvons nos Coréens de Zuberi. Après le repas au gîte nous allons prendre un
dernier verre dans un bar typique et
entamons la conversation avec nos voisins de table. Il s’agit de deux Espagnols de 92 ans, des
frères jumeaux, semble-t-il, qui sont venus déguster des tapas autour d’une
bouteille de Rioja. Pour nous être sympathiques, ils insistent pour la partager
avec nous. Une fin de soirée bien agréable avant de rejoindre notre lit.
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