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mardi 28 août 2018

Portomarin – Palas de Rei









Vendredi 19 septembre 2014 :  Portomarin – Palas de Rei :  25 km


    Je ne sais si nous devenons plus matinaux ou si c’est déjà l’effet du raccourcissement des jours mais depuis plusieurs étapes, lorsque nous partons, le ciel est encore rougeoyant : c’est le cas ce matin. Peu à peu  le soleil s’élève dans le ciel, inondant le paysage d’une lumière rasante et sans cesse changeante. Ce sont des moments que j’apprécie,  la fraîcheur physique après une nuit de repos, la fraîcheur du temps que l’on ressent sur les mollets, et la beauté de la nature.  
    Comme les jours précédents, nous traversons encore des hameaux. Les fermes dégagent une forte odeur de fumier et une odeur un peu plus moderne, si j’ose dire, celle de l’ensilage tel que nous le connaissons chez nous aujourd’hui.
   Hier, dans un de ces nombreux villages, un paysan avait interpellé Marie-Jeanne lui tendant, d’une main tremblante, 3 noix tirées de sa poche, lui demandant de les déposer à la cathédrale de Santiago et d’avoir une pensée pour lui. Ce fut un autre moment fort. Il y avait beaucoup d’émotion et de conviction dans les paroles du vieil homme.  Trois noix et nous sommes trois, je pense que ce n’est pas le fruit du hasard. Il souhaitait que chacun de nous, individuellement, prenne en charge la mission : déposer la noix et avoir une pensée pour lui. Soyez rassuré señor, nous n’y manquerons pas.
   Plus loin, un groupe de jeunes Espagnols nous dépasse en priant à haute voix. Ce sont des prières adressées à la Vierge Marie (Virgen Maria). Depuis Sarria nous ressentons que quelque chose  a changé sur le chemin, l’ambiance a évolué. À la randonnée s’est ajoutée une dimension spirituelle et religieuse. En amont de la Galice, sur les plateaux de la Meseta, il fallait « manger » du kilomètre, l’objectif premier consistait à avancer. Ici, on commence à se sentir tout près du but, tout près de ce que l’on est venu chercher, alors  le moment est venu  d’y préparer l’esprit. S’il fallait imager ce propos, je tenterais la comparaison avec ces pêcheurs de haute mer qui ont travaillé dur toute la journée pour remplir leurs soutes de poissons. Sur le retour, pour avoir fière allure à l’arrivée au port, ils se consacrent au rangement des filets et au nettoyage du pont. C’est un peu cela le Camino : nous arrivons au port !
  Chemin spirituel mais aussi culturel ! L’étape d’aujourd’hui nous fait encore traverser des villages chargés d’histoire : Gonzar avec son église Santa Maria qui  relevait de la commanderie de St Jean de Jérusalem, Castromaior qui doit son nom à un castrum qui y fut édifié par les Romains, Lameiros et son magnifique calvaire de granit, le plus beau du Camino Frances paraît-il.
   Marie-Jeanne souffre atrocement  de ses genoux. Dans un bar, à l’heure du bocadillo, nous retrouvons Corina, Éva et Dricks le toubib. Elle en profite pour lui parler de ses souffrances. Il l’écoute attentivement, réfléchit, donne l’impression de compatir, mais ne semble pas avoir de vrais remèdes à lui proposer. Après un long silence, qui semble donner beaucoup de sérieux à son diagnostic, il se contente de lui dire « arthrosa ». On s’en serait presque douté !  Merci  docteur. 
   Ce matin nous avions retrouvé une vieille copine : la  RN5. Nous avions alors presque oublié son existence. Heureusement, cet après-midi le décor a changé. Nous cheminons maintenant dans des chemins creux bordés de forêts de châtaigniers, de chênes avec çà et là quelques eucalyptus. Ce sont les premiers qui apparaissent mais à mesure que l’on se rapprochera de Compostelle et donc de l’océan, cette essence, typique du sud, aura remplacé toutes les autres. Surpris par la quantité de ces arbres, ma curiosité m’a poussé à consulter  l’ami Wikipédia : pourquoi cette essence ici et exclusivement celle-là ? J’y apprends alors qu’à 19e siècle un religieux galicien, missionnaire en Australie, rapporta de ce pays des semences qui se sont acclimatées à la région et proliférées. Ceci explique cela. Aujourd’hui ces forêts font le bonheur de l’industrie papetière largement implantée sur  toute la Galice.
   Peu avant le terme de l’étape, nous franchissons l’Alto de Rosario, d’où l’on peut apercevoir le Pico Sacro, une montagne mythique, vénérée par les Galiciens car elle est à l’origine d’une légende, une de plus.
  Lorsque les disciples de saint Jacques, ramenant son corps de Terre Sainte  eurent débarqué à Padron ils auraient demandé une sépulture à la cruelle reine Lupa qui aurait répondu : « allez dans cette montagne vous y trouverez un troupeau de bœufs, prenez-en deux pour les atteler et allez où vous voulez ». Elle savait qu’elle les envoyait au-devant de taureaux sauvages. Mais miracle les taureaux se laissèrent atteler. Furieuse Lupa lança  des soldats à leur poursuite mais une crue subite du torrent les protégea ; c’est alors que la méchante reine se convertit au christianisme.  

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