Vendredi
19 septembre 2014 : Portomarin – Palas de Rei : 25
km
Je ne sais si nous devenons plus matinaux
ou si c’est déjà l’effet du raccourcissement des jours mais depuis plusieurs
étapes, lorsque nous partons, le ciel est encore rougeoyant : c’est
le cas ce matin. Peu à peu le soleil
s’élève dans le ciel, inondant le paysage d’une lumière rasante et sans cesse
changeante. Ce sont des moments que j’apprécie,
la fraîcheur physique après une nuit de repos, la fraîcheur du temps que
l’on ressent sur les mollets, et la beauté de la nature.
Comme les jours précédents, nous traversons
encore des hameaux. Les fermes dégagent une forte odeur de fumier et une odeur
un peu plus moderne, si j’ose dire, celle de l’ensilage tel que nous le
connaissons chez nous aujourd’hui.
Hier, dans un de ces nombreux villages, un
paysan avait interpellé Marie-Jeanne lui tendant, d’une main tremblante, 3 noix
tirées de sa poche, lui demandant de les déposer à la cathédrale de Santiago et
d’avoir une pensée pour lui. Ce fut un autre moment fort. Il y avait beaucoup
d’émotion et de conviction dans les paroles du vieil homme. Trois noix et nous sommes trois, je pense que
ce n’est pas le fruit du hasard. Il souhaitait que chacun de nous,
individuellement, prenne en charge la mission : déposer la noix et
avoir une pensée pour lui. Soyez rassuré señor, nous n’y manquerons pas.
Plus loin, un groupe de jeunes Espagnols
nous dépasse en priant à haute voix. Ce sont des prières adressées à la Vierge
Marie (Virgen Maria). Depuis Sarria nous ressentons que quelque chose a changé sur le chemin, l’ambiance a évolué.
À la randonnée s’est ajoutée une dimension spirituelle et religieuse. En amont
de la Galice, sur les plateaux de la Meseta, il fallait « manger » du
kilomètre, l’objectif premier consistait à avancer. Ici, on commence à se
sentir tout près du but, tout près de ce que l’on est venu chercher, alors le moment est venu d’y préparer l’esprit. S’il fallait imager ce
propos, je tenterais la comparaison avec ces pêcheurs de haute mer qui ont
travaillé dur toute la journée pour remplir leurs soutes de poissons. Sur le
retour, pour avoir fière allure à l’arrivée au port, ils se consacrent au
rangement des filets et au nettoyage du pont. C’est un peu cela le Camino : nous
arrivons au port !
Chemin spirituel mais aussi culturel !
L’étape d’aujourd’hui nous fait encore traverser des villages chargés
d’histoire : Gonzar avec son église Santa Maria qui relevait de la commanderie de St Jean de
Jérusalem, Castromaior qui doit son nom à un castrum qui y fut édifié par les Romains,
Lameiros et son magnifique calvaire de granit, le plus beau du Camino Frances paraît-il.
Marie-Jeanne souffre atrocement de ses genoux. Dans un bar, à l’heure du
bocadillo, nous retrouvons Corina, Éva et Dricks le toubib. Elle en profite
pour lui parler de ses souffrances. Il l’écoute attentivement, réfléchit, donne
l’impression de compatir, mais ne semble pas avoir de vrais remèdes à lui proposer.
Après un long silence, qui semble donner beaucoup de sérieux à son diagnostic,
il se contente de lui dire « arthrosa ».
On s’en serait presque douté ! Merci docteur.
Ce matin nous avions retrouvé une vieille
copine : la RN5. Nous avions alors
presque oublié son existence. Heureusement, cet après-midi le décor a changé.
Nous cheminons maintenant dans des chemins creux bordés de forêts de
châtaigniers, de chênes avec çà et là quelques eucalyptus. Ce sont les premiers
qui apparaissent mais à mesure que l’on se rapprochera de Compostelle et donc
de l’océan, cette essence, typique du sud, aura remplacé toutes les autres.
Surpris par la quantité de ces arbres, ma curiosité m’a poussé à consulter l’ami Wikipédia : pourquoi cette
essence ici et exclusivement celle-là ? J’y apprends alors qu’à 19e
siècle un religieux galicien, missionnaire en Australie, rapporta de ce pays
des semences qui se sont acclimatées à la région et proliférées. Ceci explique
cela. Aujourd’hui ces forêts font le bonheur de l’industrie papetière largement
implantée sur toute la Galice.
Peu avant le terme de l’étape, nous
franchissons l’Alto de Rosario, d’où l’on peut apercevoir le Pico Sacro, une
montagne mythique, vénérée par les Galiciens car elle est à l’origine d’une
légende, une de plus.
Lorsque les disciples de saint Jacques,
ramenant son corps de Terre Sainte
eurent débarqué à Padron ils auraient demandé une sépulture à la cruelle
reine Lupa qui aurait répondu : « allez dans cette montagne vous
y trouverez un troupeau de bœufs, prenez-en deux pour les atteler et allez où
vous voulez ». Elle savait qu’elle les envoyait au-devant de taureaux
sauvages. Mais miracle les taureaux se laissèrent atteler. Furieuse Lupa
lança des soldats à leur poursuite mais
une crue subite du torrent les protégea ; c’est alors que la méchante
reine se convertit au christianisme.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Nhésitez pas à me mettre un commentaire , une question ... je vous répondrai