Samedi
20 septembre 2014 : Palas de Rei – Azuar : 30km
Lorsque je me mets en route, c’est encore la
pleine obscurité, ce que nous n’avions jamais connu jusqu’alors étant donné
l’heure à laquelle nous avions pris l’habitude de nous lever. Passé les
réverbères de la ville, il m’est impossible de distinguer l’extrémité de mes
godillots. Pour trouver ma route et repérer les marques jaunes à chaque
croisement il m’aurait fallu, ou une frontale, dont malheureusement je ne
dispose pas, ou alors suivre un groupe de pèlerins. Mais à cette heure pas le
moindre jacquet en vue, le Camino est complètement désert. En fait, à y réfléchir maintenant, je
comprends que j’ai mal choisi mon heure ; je me trouve entre deux vagues
de pèlerins : les lève-tôt qui quittent les albergues à 5 heures du matin
et qui sont déjà loin devant, et les lève-tard qui n’ont pas encore pris le
désayuno. Vu le monde que l’on côtoie quotidiennement, je n’avais même pas
imaginé que je pourrais me retrouver au petit matin à pérégriner seul dans les
ténèbres. Néanmoins je poursuis mon chemin, m’aidant dans les passages délicats
de la torche de mon smartphone, jusqu’à rencontrer deux dames de Nantes,
beaucoup mieux équipées que moi pour la marche nocturne et qui m’accompagneront
jusqu’aux premiers rayons de soleil. Merci mesdames pour avoir éclairé mes pas.
L’étape est longue mais pas ennuyeuse du
tout. Pas un seul kilomètre sans avoir à admirer, ici un horréo original, là un
pont à arches permettant de franchir un Rio ou encore plus loin un corredoira
fait de larges pierres plates posées en équilibre au-dessus de l’eau. Je fais
une petite pause à Furelos, un village
médiéval, le temps de découvrir le musée des traditions galiciennes. J’espérais
pouvoir visiter la petite église San
Juan. Elle a pour particularité de
présenter un Christ crucifié dont un des bras décloué pend le long de son
corps. Malheureusement ce matin c’est « cerrado » (fermé) ! Tant pis.
Je reprends le chemin dans le bon sens
après cette péripétie qui se termine bien, mais qui néanmoins m’a coûté 4 kilomètres. Il est 14 heures lorsque je
parviens à Castaneda, l’heure de penser à déjeuner. Dans un bar je prends un
bocadillo accompagné d’une bière. À la table à côté, je retrouve une vieille
connaissance. Un gars qui nous suit depuis bon nombre d’étapes et qui tous les
soirs cherche des pèlerins pour lui tenir compagnie, le temps du repas. Pour
avoir dîné un jour à une table voisine de la sienne, nous avions vite compris
qu’il faisait partie de ces pèlerins à éviter. Un monsieur « je sais tout ». Ce
soir-là, il avait pris dans ses filets un couple de Canadiens et a occupé tout
le temps du dîner à leur réciter des fables de La Fontaine.
Ahurissant ! Les pauvres, ils ne
pouvaient pas en placer une qu’il repartait sur une autre fable. J’aime les
fables, j’aime La Fontaine, mais de là à en faire l’unique sujet de
conversation d’un dîner sur le Camino, loin s’en faut ! Donc depuis cette
soirée nous évitions toute proposition de sa part, tout en restant, bien
évidemment, corrects à son égard. Ici, il déjeune avec une dame. C’est encore
lui qui anime le repas. Prêtant une oreille, je traduis qu’il s’agit de son épouse et qu’ils viennent tout juste de se
retrouver à Mélide. Elle a fait le Primitivo, lui le Camino Frances. Je
comprends qu’elle ait voulu marcher seule : la pauvre ! Elle
doit connaître les fables par cœur !
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