Translate

mardi 28 août 2018

Azuar – O Pedrouzo





Dimanche 21 septembre 2014 :  Azuar – O Pedrouzo :  19.2 km


      La nuit  m’a permis de me requinquer après la longue étape d’hier. Les amis sont également en forme et ce matin nous repartons à trois pour notre avant-dernière étape. Depuis plusieurs jours le beau temps nous accompagne et ce sera encore le cas aujourd’hui. Au petit matin nous avons encore droit à un magnifique spectacle que nous offre la nature, celui des brumes s'élevant doucement vers le ciel, laissant peu à peu entrevoir au sol les champs et les forêts. Que c’est beau !
   Le compte à rebours sur les bornes ne cesse de décroître, ici, peu avant Boavista, la borne affiche 30 kilomètres. Dans plusieurs récits j'avais lu que les pèlerins, sur les dernières étapes, éprouvaient le besoin de baisser la cadence pour faire durer le plaisir. L’un d’eux écrivait : « j’ai presqu’envie de ralentir le pas pour que jamais ce chemin ne finisse ». En ce moment et pour la première fois, je ressens complètement ce désir de lever le pied. Comment se l’expliquer ? Je pense que lorsque l’on s’élance sur le chemin, le but, la satisfaction attendue, c’est son terme, l’arrivée sur la place de l’Obradoiro, la Cathédrale de Santiago, l’apôtre Saint-Jacques. Alors à ce moment, à l’instant du départ, pour le pèlerin, le chemin n’est qu’un moyen d’atteindre ce but, un  moyen incontournable, un moyen qu’il redoute même, car semé d’embûches et de maintes difficultés. Mais peu à peu, après tous ces kilomètres parcourus, ces moments de bonheur qu’il lui procure, le moyen supplante le but. Et ici, parvenus au terme du voyage, nous sommes en train de prendre conscience que dans un jour, deux jours tout au plus, nous allons abandonner ce qui a fait notre bonheur pendant tant de temps. La nostalgie du chemin  est en train de l’emporter sur la joie de l’aboutissement.
   Laissons ces réflexions stériles de côté et revenons au chemin, celui qu’il faut arpenter du matin au soir pour espérer parvenir un jour au but. Car s’il procure beaucoup de moments de bonheur à certains, pour d’autres il restera synonyme de galère. Disant cela, je pense tout particulièrement à ces deux Nancéennes, Geneviève et Dominique,  que nous nous apprêtons à dépasser, et avec lesquelles nous échangeons quelques mots. Geneviève a eu 70 ans aujourd’hui. Sa maladie de cœur les freine énormément dans leur progression. Elles ne peuvent pas marcher plus de 10 kilomètres par jour. Toutes deux avaient prévu de fêter cet anniversaire à Santiago et aujourd’hui elles réalisent que le pari est perdu, perdu pour deux petits jours. On sent de la déception, beaucoup de déception. Il y aura bien sûr la fête mais elle ne sera pas complète, ce sera sans les bougies. C’est aussi cela le Camino !
   En fin de matinée nous faisons halte dans un bar pour reprendre quelques calories. La terrasse est bondée, néanmoins nous réussissons à  dénicher une table. Nous retrouvons un couple de Canadiens, un autre, avec lequel nous avions sympathisé dans une étape précédente. Elle se prénomme Claudine et lui Daniel. Claudine a débuté le Camino à Roncevaux, lui à Léon car il est encore en activité. L’année prochaine, ils envisagent d’effectuer la partie française. En amont de Roncevaux nous avions déjà rencontré un couple de leurs compatriotes, Marc et Mardi, qui après avoir découvert le chemin Espagne, étaient venus reprendre le départ au Puy-en-Velay. Ce n’est vraiment pas aisé de quitter le chemin !
    Nous parcourons à travers les forêts d’eucalyptus les kilomètres restants pour atteindre O Pedrouzo. Comme il n’est pas trop tard, que le soleil est encore chaud, nous en profitons pour faire une lessive, très certainement la dernière.   

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Nhésitez pas à me mettre un commentaire , une question ... je vous répondrai