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dimanche 26 août 2018

Calzadilla de la Cueza - Sahagun




Lundi 23 septembre 2013 :  Calzadilla de la Cueza  -  Sahagun :   24,3 km

    Au petit déjeuner, servi au gîte, je retrouve la Canarienne d’hier soir, et ce qui est surprenant, c’est qu’en présence de son mari elle est beaucoup moins exubérante.  Je comprends vite qu’il faut s’abstenir de plaisanter, d’autant que le monsieur affiche un bon gabarit. Ce matin nous partons relativement tôt, car la météo locale annonce 32 degrés dans la journée.
    Christelle vient d’envoyer un message à Marie-Jeanne, faisant état que son responsable de formation l’avait appelée et ne lui accordait plus que trois semaines de congé. Elle a alors de suite fait un rapide calcul, et s’est aperçue que pour parvenir dans le délai à Santiago, il fallait presser le pas et rallonger certaines étapes. Elle nous informait donc, qu’avec Jean-Patrick, ils allaient prendre un peu d’avance sur nous mais que nous pourrions nous revoir à Léon, au terme de leur journée de visite de la ville. Une grande déception pour nous, car nous nous étions tellement  habitués à pérégriner et à passer de bonnes soirées en leur compagnie, mais à travers ce rendez-vous à Léon, nous ressentons que  ce sentiment est partagé : ils n’ont pas envie de nous quitter sans nous revoir.
    En chemin nous rencontrons Jeannine et Henry, des amis à Christelle et Jean-Patrick. Nous ne les connaissions pas mais avec la description qui nous en avait été faite,  nous ne pouvions pas nous tromper en les abordant. Effectivement,  un couple qui se donne la main tout au long du parcours, et dont l’homme tient un parapluie fermé en guise de bourdon, c’est suffisamment atypique pour ne pas être courant. Tout en cheminant nous engageons la conversation, parlons de nos amis communs et puis la discussion se poursuit sur des sujets plus personnels. Ils nous confient  qu’à la retraite ils ont migré dans le midi, et nous en arrivons à évoquer des thèmes encore plus intimes : la mort, comment ils voient leurs obsèques… C’est dans ce chapitre  qu’Henry nous dit vouloir être inhumé exclusivement au cimetière de Cavalaire-sur-Mer. Une affirmation lancée  avec cette fermeté nécessite, pour bien comprendre, un complément d’informations que Jeannine ne tarde pas à nous donner. Elle nous explique que le hobby d’Henry consiste à visiter les déchetteries de la région pour récupérer tout ce qui peut l’être, notamment en matière d’électroménager, et à la maison, dans son atelier, il donne une seconde vie à toutes ses trouvailles. Intéressant, mais tout ça n’explique en rien pourquoi ce lieu d’inhumation.  Henry remarque bien notre étonnement, et, sans attendre notre question, donne la clé de l’énigme : « et bien figurez-vous », nous dit-il, «  que le cimetière de Cavalaire est le seul  de la Côte à jouxter une déchetterie ». Une chute aussi soudaine qu’inattendue, qui déclenche un grand moment d’hilarité. Je pense que désormais, lorsque j’entendrai parler de Cavalaire, je me rappellerai cette anecdote et penserai : « ah oui, la ville où le cimetière est accolé à la déchetterie » !
    Nous traversons un pont romain à deux arches pour rejoindre la chapelle de Virgen del Puente. Sa façade, faite de briques rouges, atteste qu’au cours des siècles elle a subi maintes restaurations. À quelques pas de là, une double borne matérialise le passage dans la province de Léon mais également le fait que nous avons atteint le milieu du Camino Frances. Peu après, nous pénétrons dans Sahagun, une ville de 3.000 habitants, surnommée le Cluny Espagnol par la ressemblance et les relations qu’entretenaient les deux cités entre elles au 11e siècle.
     Nous nous installons au gîte, une casa  rurale, puis visitons la ville, et tout d’abord le distributeur de billets, car nous nous trouvons un peu à court d’espèces. En effet,  beaucoup d’hébergements n’acceptent que le liquide, et, dans les petites villes étapes il n’y a pas toujours de quoi retirer de l’argent. Voilà, c’est fait, nous poursuivons par l’église de la Trinité qui abrite le refuge des pèlerins. Nous y retrouvons Jeannine, assise seule à une table en train de grignoter un morceau de pain. Elle fait peine à voir. Interrompant un moment son repas elle prend le temps de nous fait découvrir les lieux, l’escalier qui conduit au dortoir, les box de 8 lits chacun... Au-dessus apparaît la charpente du toit et on imagine aisément la voûte de la nef qui a été supprimée et dont aujourd’hui il ne reste plus que les ancrages dans les murs.
    Nous ne pourrons pas visiter les églises de San Tirso et San Lorenzo, toutes deux fermées pour cause de travaux. Nous retournons au centre, sur la plaza Mayor, une magnifique place rectangulaire entourée d’arbres, avec son petit kiosque à musique, des commerces et des terrasses de bar. Nous nous installons à l’une d’elles  pour déguster une bière, en soirée nous y revenons pour dîner. Il y règne une grande animation : les gamins, nombreux,  jouent au football dans un brouhaha indescriptible,  les parents sur le bord, discutent entre eux en attendant la fin du match, les vieux sont assis sur des bancs sous les arbres, appuyés sur leur canne,  silencieux, ils contemplent la scène.  Je m’interroge alors, s’il n’y avait  pas la place, ils seraient où tous ces gens ? Nous avons tellement rencontré sur le Camino de villages-rue morts,  sans enfant, sans animation, était-ce simplement le fait qu’il n’y avait pas de lieu central où se réunir ? Encore une  réflexion à laquelle je ne trouve pas de réponse. Terminant notre repas nous continuons à observer la place et tous ces gens qui paraissent tellement heureux d’être là en ce moment et qui ne semblent pas pressés de se quitter. Pour nous, pauvres pérégrinos, l’heure est arrivée d’aller dormir et reposer nos pauvres jambes. Buenas noches !





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