Lundi
23 septembre 2013 : Calzadilla de la Cueza -
Sahagun : 24,3 km
Au petit déjeuner,
servi au gîte, je retrouve la Canarienne d’hier soir, et ce qui est surprenant,
c’est qu’en présence de son mari elle est beaucoup moins exubérante. Je comprends vite qu’il faut s’abstenir de
plaisanter, d’autant que le monsieur affiche un bon gabarit. Ce matin nous
partons relativement tôt, car la météo locale annonce 32 degrés dans la journée.
Christelle vient
d’envoyer un message à Marie-Jeanne, faisant état que son responsable de
formation l’avait appelée et ne lui accordait plus que trois semaines de congé.
Elle a alors de suite fait un rapide calcul, et s’est aperçue que pour parvenir
dans le délai à Santiago, il fallait presser le pas et rallonger certaines
étapes. Elle nous informait donc, qu’avec Jean-Patrick, ils allaient prendre un
peu d’avance sur nous mais que nous pourrions nous revoir à Léon, au terme de
leur journée de visite de la ville. Une grande déception pour nous, car nous
nous étions tellement habitués à
pérégriner et à passer de bonnes soirées en leur compagnie, mais à travers ce
rendez-vous à Léon, nous ressentons que
ce sentiment est partagé : ils n’ont pas envie de nous quitter
sans nous revoir.
En chemin nous
rencontrons Jeannine et Henry, des amis à Christelle et Jean-Patrick. Nous ne
les connaissions pas mais avec la description qui nous en avait été faite, nous ne pouvions pas nous tromper en les
abordant. Effectivement, un couple qui
se donne la main tout au long du parcours, et dont l’homme tient un parapluie
fermé en guise de bourdon, c’est suffisamment atypique pour ne pas être
courant. Tout en cheminant nous engageons la conversation, parlons de nos amis
communs et puis la discussion se poursuit sur des sujets plus personnels. Ils
nous confient qu’à la retraite ils ont
migré dans le midi, et nous en arrivons à évoquer des thèmes encore plus
intimes : la mort, comment ils voient leurs obsèques… C’est dans ce
chapitre qu’Henry nous dit vouloir être
inhumé exclusivement au cimetière de Cavalaire-sur-Mer. Une affirmation
lancée avec cette fermeté nécessite,
pour bien comprendre, un complément d’informations que Jeannine ne tarde pas à
nous donner. Elle nous explique que le hobby d’Henry consiste à visiter les
déchetteries de la région pour récupérer tout ce qui peut l’être, notamment en
matière d’électroménager, et à la maison, dans son atelier, il donne une
seconde vie à toutes ses trouvailles. Intéressant, mais tout ça n’explique en
rien pourquoi ce lieu d’inhumation.
Henry remarque bien notre étonnement, et, sans attendre notre question, donne
la clé de l’énigme : « et
bien figurez-vous », nous dit-il,
« que le cimetière de Cavalaire est le seul de la Côte à jouxter une déchetterie ».
Une chute aussi soudaine qu’inattendue, qui déclenche un grand moment
d’hilarité. Je pense que désormais, lorsque j’entendrai parler de Cavalaire, je
me rappellerai cette anecdote et penserai : « ah oui, la ville où le
cimetière est accolé à la déchetterie » !
Nous traversons un
pont romain à deux arches pour rejoindre la chapelle de Virgen del Puente. Sa
façade, faite de briques rouges, atteste qu’au cours des siècles elle a subi
maintes restaurations. À quelques pas de là, une double borne matérialise le
passage dans la province de Léon mais également le fait que nous avons atteint
le milieu du Camino Frances. Peu après, nous pénétrons dans Sahagun, une ville
de 3.000 habitants, surnommée le Cluny Espagnol par la ressemblance et les
relations qu’entretenaient les deux cités entre elles au 11e siècle.
Nous
nous installons au gîte, une casa
rurale, puis visitons la ville, et tout d’abord le distributeur de
billets, car nous nous trouvons un peu à court d’espèces. En effet, beaucoup d’hébergements n’acceptent que le
liquide, et, dans les petites villes étapes il n’y a pas toujours de quoi
retirer de l’argent. Voilà, c’est fait, nous poursuivons par l’église de la
Trinité qui abrite le refuge des pèlerins. Nous y retrouvons Jeannine, assise
seule à une table en train de grignoter un morceau de pain. Elle fait peine à
voir. Interrompant un moment son repas elle prend le temps de nous fait
découvrir les lieux, l’escalier qui conduit au dortoir, les box de 8 lits
chacun... Au-dessus apparaît la charpente du toit et on imagine aisément la
voûte de la nef qui a été supprimée et dont aujourd’hui il ne reste plus que
les ancrages dans les murs.
Nous ne
pourrons pas visiter les églises de San Tirso et San Lorenzo, toutes deux
fermées pour cause de travaux. Nous retournons au centre, sur la plaza Mayor,
une magnifique place rectangulaire entourée d’arbres, avec son petit kiosque à
musique, des commerces et des terrasses de bar. Nous nous installons à l’une
d’elles pour déguster une bière, en
soirée nous y revenons pour dîner. Il y règne une grande animation : les
gamins, nombreux, jouent au football
dans un brouhaha indescriptible, les
parents sur le bord, discutent entre eux en attendant la fin du match, les
vieux sont assis sur des bancs sous les arbres, appuyés sur leur canne, silencieux, ils contemplent la scène. Je m’interroge alors, s’il n’y avait pas la place, ils seraient où tous ces
gens ? Nous avons tellement rencontré sur le Camino de villages-rue
morts, sans enfant, sans animation,
était-ce simplement le fait qu’il n’y avait pas de lieu central où se
réunir ? Encore une réflexion à
laquelle je ne trouve pas de réponse. Terminant notre repas nous continuons à
observer la place et tous ces gens qui paraissent tellement heureux d’être là en
ce moment et qui ne semblent pas pressés de se quitter. Pour nous, pauvres
pérégrinos, l’heure est arrivée d’aller dormir et reposer nos pauvres jambes. Buenas noches !
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