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samedi 25 août 2018

Roncesvalles - Zubiri







        Jeudi 5 septembre 2013 :  Roncesvalles -  Zubiri :   22 km

    Le  franchissement des Pyrénées introduit beaucoup de changements dans le quotidien des pèlerins :  la langue bien évidemment  mais aussi le climat, en général plus aride, les gîtes gérés différemment et dans lesquels on nous avait dit que les réservations étaient impossibles, la nourriture, le marquage des chemins, de rouge et blanc en France nous passons  au jaune, la fréquentation, davantage de pèlerins et surtout de toutes nationalités et presque autant de langues différentes. Et cela aurait pu être pire sans la monnaie unique qui a permis d’échapper aux conversions laborieuses du franc avec la peseta. Mais ne nous trompons pas, le plus problématique reste bien évidemment la langue. Elle est un handicap pour communiquer par rapport aux petits besoins courants, mais aussi, et surtout, un frein pour établir des relations avec des pèlerins d’autres nationalités, car que dire après : « d’où venez-vous ? », « allez-vous jusqu’à Santiago ? », « quel est votre prénom ? »…et d’autres banalités du même type.  Concernant l’Espagnol, mes 30 années de vacances à Péniscola m’avaient tout de même donné quelques bases précieuses ; pour le reste j’avais appris certaines phrases-clés du type : « je suis sur le Camino avec un couple d’amis et je voudrais réserver une chambre pour 3 personnes pour mardi …. ». Cela m’a bien aidé dans les réservations que j’ai faites par téléphone, le seul problème, c’est qu’après avoir débité tout ce discours que je connaissais par cœur, mon interlocuteur ne comprenait pas que, dans la discussion qui suivait, au cours de laquelle il me demandait de lui préciser si je souhaitais douche plutôt que bain, ou lit jumeau plutôt que lit « matrimonial », il y avait beaucoup de « no comprendo ». Quelques difficultés donc, mais jamais nous n’avons eu à dormir à la belle étoile.
    Maintenant c’est parti.  Une cinquantaine de kilomètres nous séparent de Pampelune. Nous décidons de faire deux étapes avec une halte intermédiaire à Zubiri. Par un long sentier  en sous-bois nous rejoignons le petit village de Burguette. Le temps d’y faire les courses pour le déjeuner et nous reprenons le sac pour poursuivre. À ce moment je constate qu’un chat s’est couché sur le mien et ne semble pas décidé à le quitter, peut-être veut-il faire le chemin avec moi, en passager clandestin. Il est noir, j’espère que ce n’est pas un mauvais présage pour la suite. Une petite discussion et tout s’arrange, il daigne enfin quitter son refuge et nous pouvons continuer. 
     Ici nous longeons le site que les historiens ont nommé le « Pas de Roland ». Il s’agit en fait de 3 rochers horizontaux affleurant le sol, et dont l’espacement est censé représenter la longueur du pas de Roland. Encore une légende ! Il est vrai que nous sommes ici au cœur de la région où le neveu de Charlemagne a perdu la vie, tué par les Vascons, c’était en l’an 778.
    Alors qu’il revenait de combattre les maures dans la région de Saragosse et rentrant en France, Charlemagne confie à son neveu le commandement de son arrière-garde. Les Vascons, habitants de la Navarre, pour venger quelques exactions commises par l’armée du bon roi Charles dans les villes traversées, et particulièrement Pampelune, attaquent l’arrière-garde dans une vallée de Roncevaux, laissant peu de chance de survivre aux 15.000 guerriers qui la composent.
   Une version de la légende dit que la violence du combat fut telle que l’épée de Roland, la célèbre Durandal, fut projetée jusqu’à Rocamadour où elle s’est plantée dans un rocher.
     Poursuivant notre marche nous rencontrons un couple du Vaucluse avec lequel nous échangeons quelques mots. Ils jouent petit, ils ne marchent que 6 kilomètres par jour et pensent s’arrêter à Puente la Reina. À ce rythme, un rapide calcul mental me dit que 250 jours leur sont nécessaires pour rejoindre l’apôtre depuis Le-Puy-en-Velay, alors que le « tarif » normal, si j’ose dire, oscille entre 60 et 65 jours.
     Nous passons à côté d’une tombe, elle est recouverte de pommes de pin, c’est celle d’un pèlerin japonais décédé en 2002, il avait 64 ans, exactement mon âge. Un nouveau mauvais présage après le chat noir ? Nous découvrirons beaucoup d’autres sépultures de pèlerins sur le parcours. Pas trop encourageant !
   Un peu plus loin nous franchissons le col d’Erro d’où nous ne nous lassons pas de contempler les magnifiques paysages de la Navarre. Le relief  est constitué de montées et de descentes, parfois vertigineuses, à l’image de celle qui aboutit à Zubiri. À la beauté  des lieux, s’ajoute l’odeur et ici c’est celle du buis qui domine assez largement.  Le chemin suit la vallée de l’Arga, une rivière, plutôt un torrent, qui descend des Pyrénées et que nous longeons tantôt à droite, tantôt à gauche, en traversant de superbes ponts romains en dos d’âne. Certains ont  même été associés à une légende : c’est ainsi que celui de Zubiri fut surnommé « puente de la rabia » (pont de la rage), car un animal qui passait trois fois dessous guérissait de la rage, celui de Larrasoana, que l’on franchira demain, était quant à lui appelé « le pont des bandits », car à une époque ancienne les voleurs y détroussaient les pèlerins. Heureusement pour nous les temps ont bien changé !
    Nous atteignons notre hébergement en fin d’après-midi après une première étape un peu difficile dans ces montagnes russes adossées aux Pyrénées. Marie-Jeanne souffre de son genou et craint beaucoup pour la suite. Demain et les jours suivants, elle fera porter son sac. En France, elle avait déjà eu recours à ce service qui est très pratique et ne coûte que 7 euros par jour. Différentes sociétés se font concurrence pour transporter les sacs à dos, (las mochillas)  de gîtes en gîtes. Le principe  est simple, il suffit d’agrafer chaque matin à son sac une enveloppe contenant les espèces correspondantes à la prestation et de porter dessus l’adresse du gîte d’accueil. Il y a toujours un peu d’inquiétude en arrivant, craignant que le sac n’ait pas suivi, mais à l’usage nous n’avons jamais constaté d’erreur, c’est dire que le service est bien rôdé.
    Nous prenons le dîner dans l’unique restaurant du village. Ce sera le menu du Pérégrino. Sur le Camino, à chaque étape,  la plupart des restaurants proposent ce type de menu. Il est  en général très copieux et de qualité, rarement on ressort avec la faim au ventre. Ce soir, pour 10 euros, (vin compris), on nous sert : salade russe, rôti de porc accompagné de frites et macédoine de fruits. Seule fausse note, le vin est légèrement bouchonné mais je me garde bien d’en faire la remarque au patron, vu le prix du repas ce serait mal venu. Nous sommes installés à une grande table, un groupe d’Allemands occupe l’extrémité et à côté de nous, un jeune couple de Coréens avec lequel nous échangeons quelques réflexions. Ils sont bien  évidemment équipés   de  Samsung dernier cri   et    me taquinent un peu lorsque je les photographie avec mon Iphone.

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