Jeudi 5
septembre 2013 : Roncesvalles -
Zubiri : 22 km
Le franchissement des Pyrénées introduit
beaucoup de changements dans le quotidien des pèlerins : la
langue bien évidemment mais aussi le
climat, en général plus aride, les gîtes gérés différemment et dans lesquels on
nous avait dit que les réservations étaient impossibles, la nourriture, le
marquage des chemins, de rouge et blanc en France nous passons au jaune, la fréquentation, davantage de pèlerins
et surtout de toutes nationalités et presque autant de langues différentes. Et
cela aurait pu être pire sans la monnaie unique qui a permis d’échapper aux
conversions laborieuses du franc avec la peseta. Mais ne nous trompons pas, le
plus problématique reste bien évidemment la langue. Elle est un handicap pour
communiquer par rapport aux petits besoins courants, mais aussi, et surtout, un
frein pour établir des relations avec des pèlerins d’autres nationalités, car
que dire après : « d’où venez-vous ? »,
« allez-vous jusqu’à Santiago ? »,
« quel est votre prénom ? »…et
d’autres banalités du même type. Concernant l’Espagnol, mes 30 années de
vacances à Péniscola m’avaient tout de même donné quelques bases précieuses ; pour
le reste j’avais appris certaines phrases-clés du type : « je suis sur le Camino avec un couple d’amis
et je voudrais réserver une chambre pour 3 personnes pour mardi …. ». Cela
m’a bien aidé dans les réservations que j’ai faites par téléphone, le seul
problème, c’est qu’après avoir débité tout ce discours que je connaissais par
cœur, mon interlocuteur ne comprenait pas que, dans la discussion qui suivait,
au cours de laquelle il me demandait de lui préciser si je souhaitais douche
plutôt que bain, ou lit jumeau plutôt que lit « matrimonial », il y
avait beaucoup de « no
comprendo ». Quelques difficultés donc, mais jamais nous n’avons eu à
dormir à la belle étoile.
Maintenant c’est
parti. Une cinquantaine de kilomètres nous séparent de Pampelune. Nous
décidons de faire deux étapes avec une halte intermédiaire à Zubiri. Par un
long sentier en sous-bois nous
rejoignons le petit village de Burguette. Le temps d’y faire les courses pour
le déjeuner et nous reprenons le sac pour poursuivre. À ce moment je constate
qu’un chat s’est couché sur le mien et ne semble pas décidé à le quitter, peut-être
veut-il faire le chemin avec moi, en passager clandestin. Il est noir,
j’espère que ce n’est pas un mauvais présage pour la suite. Une petite discussion
et tout s’arrange, il daigne enfin quitter son refuge et nous pouvons
continuer.
Ici
nous longeons le site que les historiens ont nommé le « Pas de
Roland ». Il s’agit en fait de 3 rochers horizontaux affleurant le sol, et
dont l’espacement est censé représenter la longueur du pas de Roland. Encore
une légende ! Il est vrai que nous sommes ici au cœur de la région où le
neveu de Charlemagne a perdu la vie, tué par les Vascons, c’était en l’an 778.
Alors qu’il revenait de combattre les
maures dans la région de Saragosse et rentrant en France, Charlemagne confie à
son neveu le commandement de son arrière-garde. Les Vascons, habitants de la
Navarre, pour venger quelques exactions commises par l’armée du bon roi Charles
dans les villes traversées, et particulièrement Pampelune, attaquent
l’arrière-garde dans une vallée de Roncevaux, laissant peu de chance de
survivre aux 15.000 guerriers qui la composent.
Une version de la
légende dit que la violence du combat fut telle que l’épée de Roland, la
célèbre Durandal, fut projetée jusqu’à Rocamadour où elle s’est plantée dans un
rocher.
Nous passons à
côté d’une tombe, elle est recouverte de pommes de pin, c’est celle d’un
pèlerin japonais décédé en 2002, il avait 64 ans, exactement mon âge. Un
nouveau mauvais présage après le chat noir ? Nous découvrirons beaucoup
d’autres sépultures de pèlerins sur le parcours. Pas trop encourageant !
Nous atteignons
notre hébergement en fin d’après-midi après une première étape un peu difficile
dans ces montagnes russes adossées aux Pyrénées. Marie-Jeanne souffre de son
genou et craint beaucoup pour la suite. Demain et les jours suivants, elle fera
porter son sac. En France, elle avait déjà eu recours à ce service qui est très
pratique et ne coûte que 7 euros par jour. Différentes sociétés se font
concurrence pour transporter les sacs à dos, (las mochillas) de gîtes en
gîtes. Le principe est simple, il suffit
d’agrafer chaque matin à son sac une enveloppe contenant les espèces
correspondantes à la prestation et de porter dessus l’adresse du gîte
d’accueil. Il y a toujours un peu d’inquiétude en arrivant, craignant que le
sac n’ait pas suivi, mais à l’usage nous n’avons jamais constaté d’erreur,
c’est dire que le service est bien rôdé.
Nous prenons le
dîner dans l’unique restaurant du village. Ce sera le menu du Pérégrino. Sur le
Camino, à chaque étape, la plupart des restaurants
proposent ce type de menu. Il est en
général très copieux et de qualité, rarement on ressort avec la faim au
ventre. Ce soir, pour 10 euros, (vin compris), on nous sert : salade russe,
rôti de porc accompagné de frites et macédoine de fruits. Seule fausse note, le
vin est légèrement bouchonné mais je me garde bien d’en faire la remarque au
patron, vu le prix du repas ce serait mal venu. Nous sommes installés à une
grande table, un groupe d’Allemands occupe l’extrémité et à côté de nous,
un jeune couple de Coréens avec lequel nous échangeons quelques réflexions. Ils
sont bien évidemment équipés de
Samsung dernier cri et me taquinent un peu lorsque je les
photographie avec mon Iphone.
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